La Trame Verte et Bleue (TVB) : à quelles échelles ? pour quelles espèces ?

La « Trame verte et bleue » est la déclinaison française du Réseau écologique paneuropéen (REP). Elle consiste en un maillage de milieux « naturels » (boisements, prairies, cours d’eau…) qui permettent la survie et le déplacement des espèces sauvages. Si les notions de « corridors » ou de « continuité écologique » sont bien comprises, l’échelle à laquelle il faut travailler en fonction des espèces concernées est une question plus délicate. Voici des éléments de réponse.

Connaître le domaine vital des espèces…

Le domaine vital est l’aire au sein de laquelle un animal se déplace pour répondre à ses besoins (recherche de nourriture et reproduction). Ce domaine vital est très variable selon les espèces. Ci-dessous, nous présentons quelques ordres de grandeur de domaines vitaux pour des espèces communes dans les paysages de bocage.

 

domaines vitaux

Ordre de grandeur des domaines vitaux de quelques espèces animales (rappel : 1 ha = 10.000 m²)

 

… et leurs capacités de dispersion

La distance de dispersion natale est la distance entre le lieu de naissance d’un individu et le lieu de sa première reproduction. Elle peut être mesurée lors d’opérations de capture-marquage-recapture. La capacité de dispersion d’une espèce est donc la faculté qu’ont les individus appartenant à cette espèce de coloniser des territoires éloignés d’une année sur l’autre.

Schéma de dispersion d’une espèce au sein d’habitats fragmentés et continus

Certaines espèces recherchent des milieux très spécifiques, d’autres ont des exigences écologiques moindres et certaines, dites ubiquistes, s’adaptent à une très grande diversité de milieux naturels, agricoles ou urbains. Les espèces les plus spécialisées sont les plus dépendantes de leurs possibilités de dispersion pour assurer leur pérennité. La fragmentation des habitats leur est souvent préjudiciable. En résumé, les deux cas extrêmes sont les suivants :

  • cas le plus favorable : une espèce ubiquiste à forte capacité de dispersion (ex : le Renard roux)
  • cas le plus défavorable : une espèce spécialisée dans un type précis d’habitat, avec une capacité de dispersion limitée (ex : le Pique-prune)

 

Quels milieux constituent la TVB ?

La connaissance du domaine vital des espèces et de leur capacité de dispersion permet donc de savoir à quelle échelle raisonner. Il faut ensuite savoir de quels éléments du paysage les espèces ont besoin pour se nourrir, se reproduire et se déplacer. Selon les périodes de l’année et les différentes phases de leur cycle biologique, les espèces peuvent fréquenter des milieux différents. Par exemple, pour la Grenouille agile (et d’autres batraciens), la reproduction nécessite la présence de mares ou d’autres petits plans d’eau, si possible sans poissons. Les déplacements de l’espèce se font préférentiellement au sein des boisements et des prairies humides, sur des distances de l’ordre de la centaine de mètres ou du kilomètre. Les monocultures intensives, les routes ou les zones urbanisées sont en revanche des obstacles au déplacement (voir ci-dessous).

Exemple de la TVB appliquée au cas de la Grenouille agile

 

A l’inverse, les mêmes milieux urbanisés qui peuvent constituer un obstacle pour des batraciens ou pour de grands mammifères qui hésitent à les traverser (Cerf, Loup…) peuvent constituer un habitat recherché par le Lézard des murailles (vieux murs) ou les hirondelles (bâtiments). Autre exemple : un fleuve favorable à la Loutre d’Europe et aux poissons migrateurs constituera un obstacle difficilement franchissable pour un lézard.

Enfin, notons le cas particulier des oiseaux et des chauves-souris : leur capacité de vol leur permet de s’affranchir pour partie des obstacles, ce qui leur donne une meilleure capacité de déplacement. Ils pourront ainsi exploiter une trame de milieux favorables même si elle est discontinue. Reste que les routes peuvent présenter un risque de collision important pour certaines espèces volantes.

A l’issue des ces considérations sur l’échelle et la nature de la TVB selon les espèces, nous présentons ci-dessous quelques cas :

Quelques exemples de TVB déclinée pour différentes espèces animales

 

Et pour les plantes ?

Si les phénomènes de déplacement et de dispersion nous paraissent évidents pour les animaux, qu’en est-il des plantes, supposées « immobiles » ? Leurs « déplacements » ne prennent pas la même forme que ceux des animaux, mais elles ont, elles aussi, besoin de milieux favorables (nature et humidité du sol, ensoleillement, température…) qu’elles colonisent sur des temps courts (espèce pionnière) ou longs (dryade) en fonction de leur mode de dispersion. Cette dispersion peut être assurée par les animaux (Genévriers, Noisetier, Argousier, Chênes, Aigremoine, Gaillet gratteron), par le vent (Sapins, Cèdres, Érables), par l’eau (Galé odorant, Nénuphars) sur des distances par conséquent variables. Le rôle des corridors écologiques et donc de la TVB pour la flore est moins bien étudié et plus controversé : déplacement plus aisé des prédateurs de la plante, facilité de dispersion pour les espèces invasives…

Photos, schémas : E. Barussaud

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