Analyse de l’environnement lumineux des gîtes de chiroptères (Bretagne et Pays de la Loire)

Les chauves-souris – ou chiroptères – sont des mammifères volants nocturnes. Leur rapport à la lumière artificielle est complexe et encore mal connu malgré un nombre croissant d’études sur le sujet. Certaines espèces, comme les pipistrelles, sont fréquemment observées à proximité des éclairages publics, ces derniers attirant les insectes dont elles se nourrissent. D’autres espèces sont réputées lucifuges et évitent les sources de lumière artificielle. Le maintien de la « trame noire » (continuité d’espaces non éclairés la nuit) est devenu un enjeu de gestion des territoires.

Méthodologie de l’étude menée par B.E.T

En tant que bureau d’études spécialisé dans les questions de biodiversité et d’aménagements, nous avons cherché à savoir dans quel environnement lumineux se situaient les gîtes de chiroptères connus en Bretagne et Pays de la Loire, qui sont nos deux régions d’intervention. Ces deux régions possèdent très peu de cavités naturelles, contrairement aux régions karstiques du sud de la France où abondent les grottes et anfractuosités de différentes tailles. Les gîtes de chiroptères de Bretagne et Pays de la Loire sont essentiellement d’origine humaine : églises, granges, carrières, bunkers et autres souterrains creusés lors de la seconde guerre mondiale notamment… Nous voulions donc savoir à quel point les chauves-souris s’accommodaient de gîtes situés dans des environnements éclairés, situés le long de routes, en périphérie d’agglomérations, voire même au cœur de ces dernières.

Pour cela, nous avons recensé les emplacement précis de 52 gîtes abritant une population significative de chauves-souris (a minima une vingtaine d’individus), que ce soit en hiver, en période de mise bas ou de swarming. Sur ces 52 gîtes, 31 se situent en Bretagne et 21 en Pays de la Loire. Tous les départements sont représentés. Ce recensement des gîtes a été réalisé à partir de nos connaissances personnelles et en consultant une bibliographie variée : listes des arrêtés de protection de biotope relatifs aux chauves-souris, publications du Groupe Mammalogique Breton et d’autres associations, sites Natura 2000, articles de presse, etc. Ces sites étant particulièrement sensibles, nous nous garderons d’en fournir ici la liste exhaustive. Nous avons noté les espèces connues pour chaque gîte. Nous pouvons ainsi détaillé les résultats par espèce ou groupe d’espèces.

Concernant maintenant le niveau de luminosité artificielle, nous avons passé commande de cartes de pollution lumineuse AVEX auprès de Frédéric Tapissier, dont nous saluons au passage le remarquable travail. Ces cartes distinguent 9 niveaux de pollution lumineuse, allant de « noir » (absence de pollution lumineuse) à « blanc » (pollution lumineuse maximale). Notons d’emblée que le niveau « noir » n’existe pas en Bretagne, de même que le niveau « blanc », que l’on ne trouve qu’au cœur des plus grandes agglomérations européennes.

Précautions concernant l’échelle d’interprétation

La présente étude concerne le niveau moyen de pollution lumineuse aux abords des gîtes, dans un rayon d’environ 100 mètres. Il ne s’agit pas d’une étude sur l’intensité lumineuse mesurée à l’endroit précis de l’accès au gîte. Ce type d’étude a déjà été mené par ailleurs et il a été notamment démontré l’impact négatif sur les chauves-souris de projecteurs orientés en direction d’une entrée de gîte.

Par ailleurs, comme précisé ici, les cartes de pollution lumineuse sont obtenues non pas par mesure mais par un calcul prenant en compte la présence d’habitations, de routes fréquentées, de zones d’activités, de ports, d’aéroports et autres activités humaines générant une lumière artificielle à la nuit tombée.

Ainsi, un gîte peut se situer dans un secteur à pollution lumineuse relativement élevé mais bénéficier, à l’endroit précis de son accès, d’un effet de pénombre créé par de grands arbres ou par le relief. Reste que les chauves-souris, une fois leur gîte quitté, évoluent alors dans un environnement éclairé, avec lesquelles elles doivent composer même si elles ne font que le traverser pour atteindre leurs terrains de chasse.

Toutes espèces confondues : une relative adaptabilité

Si l’on considère les 52 gîtes, et donc l’ensemble des espèces, on constate que le niveau le plus représenté est le niveau 3 (cyan), suivi du niveau 4 (vert), niveaux d’éclairage qui correspond aux villages isolés et hameaux. Toutefois, on trouve aussi des gîtes dans des secteurs plus éclairés.

Par exemple, 9 gîtes sur 52 (soit 17 %) sont situés dans un environnement où la pollution lumineuse est de niveau 6 (orange), soit l’équivalent des banlieues de grandes ville ou du centre des petites villes. Les deux niveaux supérieurs, à savoir 7 et 8, correspondent aux centres des grandes villes. Ils semblent logiquement délaissés par les chauves-souris. On trouve donc des gîtes dans des secteurs qui sont loin d’être sombres, notamment les clochers des églises, situées en plein centre des villages. Enfin, les gîtes situés dans les secteurs les moins éclairés sont souvent des cavités abandonnées (ex : ardoisières) voire de petites chapelles isolées en pleine campagne.

Analyse par espèce : les Rhinolophes, plus lucifuges ?

Les deux espèces les plus représentées au sein des gîtes sont le Grand Murin et le Grand Rhinolophe (27 gîtes pour chacune de ces espèces). L’analyse spécifique montre que le Grand Murin se trouve dans des environnements plus éclairés que la moyenne. Pour cette espèce, les catégories « bleu » et « cyan » ne représentent que 37 % des gîtes contre 44 % pour toutes les espèces confondues. Le Grand Murin apprécie en particulier les clochers d’églises, qui se trouvent souvent dans la catégorie « jaune ».

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En revanche, les Rhinolophes semblent privilégier les environnements plus sombres. Pour le Grand Rhinolophe, 59 % des gîtes se trouvent en environnement « bleu » ou « cyan ». Pour le Petit Rhinolophe, cette proportion monte même à 72 % mais la valeur est moins significative dans la mesure où elle ne porte que sur 11 gîtes. La tendance à fuir la lumière lors des déplacements est connue chez les Rhinolophes ; notre étude montre que cela concerne également le choix des gîtes. Notons toutefois qu’il peut y avoir des exceptions puisque le Grand Rhinolophe est présent sur 4 gîtes à pollution lumineuse de niveau 6 (orange).

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Conclusions

Les chauves-souris manifestent une préférence pour les environnements peu éclairés. Toutefois, en Bretagne et Pays de la Loire, face à une faible disponibilité en gîtes naturels, elles semblent pouvoir s’adapter à un certain niveau de pollution lumineuse pour exploiter des gîtes anthropiques favorables. Si le centre des grandes villes semble logiquement peu attractif (mais il existe peut-être des exceptions), un niveau de luminosité correspondant à la banlieue de grande ville ou au centre de gros bourgs semble toléré. Il est probable que d’autres critères soient aussi importants, si ce n’est plus : température interne des gîtes, niveau de quiétude ou encore proximité de ressources alimentaires. Ce qui expliquerait que des espèces réputées lucifuges comme les Rhinolophes puissent parfois coloniser des secteurs éclairés.

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