Prendre en compte la stratégie démographique des espèces pour leur conservation
L’objectif de cet article est d’expliquer pourquoi l’évaluation et la réduction de l’impact d’un projet sur une espèce animale dépend de la stratégie démographique de cette dernière.
Stratégie K / Stratégie r
Pour assurer la pérennité de leurs populations, les espèces animales peuvent utiliser différentes stratégies. Les écologues Robert Mac Arthur et Edward Osborne Wilson ont, dans les années 60, distingué deux stratégies démographiques :
- Stratégie K
La « stratégie K » pour les espèces qui investissent dans la survie des jeunes. Ces espèces présentent une croissance lente, une longue durée de vie, une maturité sexuelle tardive et une fécondité restreinte.
- Stratégie r
La « stratégie r » pour les espèces qui misent sur une descendance nombreuse et une croissance rapide pour compenser une forte mortalité. Ces espèces se caractérisent donc par une durée de vie courte, une maturité précoce et une énergie majoritairement dédiée à la reproduction.
Entre ces deux modèles, on trouve évidemment des intermédiaires, à savoir des espèces avec des caractéristiques médianes.
Nous présentons ci-dessous quelques exemples d’espèces vivant en France métropolitaine. Nous avons défini la tendance de leur stratégie démographique d’après des critères de fécondité, de longévité et de maturité sexuelle.
Variation des impacts selon la stratégie démographique
On comprend donc par exemple que la mort d’un individu aura un impact plus fort pour une espèce à stratégie K (qui mise sur la survie) que pour une espèce à stratégie r (qui mise sur la reproduction). Ainsi, les collisions routières sont-elles plus préjudiciables aux populations de Loutre d’Europe qu’à celles de Rat des moissons. De même, les collisions avec les éoliennes sont-elles davantage préjudiciables aux populations de Buse variable qu’aux populations de Pinsons des arbres. Ou encore, le prélèvement d’un Cerf élaphe à la chasse n’a pas le même impact que celui d’un Lapin de garenne.
Considérons maintenant des aménagements qui engendrent localement la disparition d’une mare où se reproduit la Grenouille agile. Sans cette mare, la reproduction – sur laquelle est basée la stratégie démographique de la Grenouille – ne peut pas avoir lieu. Cela menace donc rapidement la population locale de Grenouilles agiles dont l’espérance de vie ne dépasse pas cinq ans.
Pour la Salamandre tachetée, la même situation (perte d’un site de reproduction) deviendra critique au bout d’un temps nettement plus long car les adultes ont une durée de vie élevée (ils ont notamment protégés des prédateurs par leur venin). En revanche, la Salamandre, très lente, est plus fréquemment écrasée sur les routes (voir cet article) que la Grenouille agile…
Des mesures de conservation adaptées
Si les impacts varient selon la stratégie démographique des espèces, les mesures de conservation doivent aussi prendre en compte ce facteur pour être efficaces. Ainsi, on cherchera à protéger au maximum les individus pour les espèces à stratégie K. Par exemple :
- on mettra en place des installations pour éviter les collisions routières (Loutre d’Europe, Salamandre, cervidés, chiroptères…)
- on évitera tout risque de destruction de chiroptères lors de travaux sur un bâtiment
- on choisira pour les éoliennes des emplacements qui minimisent les risques de collision avec les grands rapaces ou les grands échassiers
Pour les espèces à stratégie r, on cherchera surtout à maintenir la continuité écologique des milieux favorables, afin de permettre aux populations de coloniser / recoloniser les milieux grâce à leur forte fécondité et à leurs bonnes capacités de dispersion. On cherchera par exemple à maintenir une continuité des milieux humides à végétation dense pour le Campagnol amphibie ou un réseau de mares pour la Grenouille agile.
Chaque espèce ayant, outre sa stratégie démographique, des caractéristiques écologiques particulières (habitat, mobilité, mode de vie, alimentation…), nous publierons sur ce blog des articles sur les mesures d’évitement, de réduction et de compensation les mieux adaptées à différentes espèces à enjeux.
Images : Lapin, Martyn Fletcher / Cigogne blanche, Michele Lamberti / Grenouille agile, Laurent Lebois
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