Oiseaux : les « couloirs » de migration existent-ils ?
La migration des oiseaux est un phénomène complexe qui, malgré l’avancée des connaissances, conserve une part de mystère. Les études d’impact pour les parcs éoliens et la mise en place de la Trame Verte et Bleue, entre autres, posent la question suivante : les oiseaux suivent-ils des « couloirs » de migration ? Et si oui, lesquels ?
Des « couloirs » difficiles à cartographier
La France métropolitaine voit passer chaque année, à l’automne et au printemps, plusieurs millions d’oiseaux migrateurs sur son territoire. On admet généralement que la majorité de ces oiseaux se déplacent du nord (Scandinavie, îles britanniques, Europe du Nord) vers le sud (bassin méditerranéen, Afrique) à l’automne et reviennent – pas nécessairement par le même chemin, d’ailleurs – au printemps, avant la saison de reproduction.
Les ornithologues « suivent » cette migration sur des sites (ou « spots ») où les effectifs de chaque espèce sont notés chaque jour. Aujourd’hui, le site Migraction recense une cinquantaine de sites et réunit ces données de comptage.
Mais si des déplacements massifs sont bien perceptibles sur quelques sites particuliers, qu’en est-il sur le reste du territoire ? Sur la cinquantaine de sites régulièrement suivis, une quinzaine se trouve sur le littoral atlantique et une trentaine se situe à l’est d’une ligne reliant les Ardennes aux Hautes-Pyrénées (voir carte suivante). Sur une large moitié ouest – hors littoral – il ne semble pas y avoir de points de passages remarquables. Cela correspond d’ailleurs à des régions où le relief est peu marqué. De manière générale, le flux migratoire est peu perceptible en-dehors de quelques points offrant une singularité géographique : col de montagne, falaise, pointe littorale, détroit… Cela explique le fait qu’au moment de représenter ces fameux « couloirs » de migration sur une carte, nous sommes bien embarrassés. Difficile de relier entre eux les points de passage et de définir des voies aux contours bien précis. Voilà pourquoi on aura du mal à trouver des cartes précises des axes migratoires de oiseaux à l’échelle nationale.
Nous présentons ci-dessous une superposition des axes de migration tels qu’ils ont été schématisés pour les anatidés et la Grue cendrée et des sites de comptage des oiseaux migrateurs :
On remarque que les « couloirs » de migration sont en fait des zones très larges (plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres) qui couvrent une grande partie du pays et le long desquels les « spots de migration » sont très parsemés.
Les axes de migration remis en question
Si le déplacement des oiseaux migrateurs selon des axes nord-sud (littoral atlantique, vallées du Rhin et du Rhône) est communément admis, le phénomène migratoire est en réalité bien plus complexe. Une étude menée par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) montre par exemple qu’en automne et en hiver, les Fuligules milouins du Lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique) ne se déplacent pas majoritairement vers le sud comme on pourrait s’y attendre, mais majoritairement vers l’est et le nord-est. Cette étude montre aussi l’existence de plusieurs « stratégies hivernales » au sein d’une même espèce, certains oiseaux se déplaçant très peu et d’autres beaucoup.
Une autre étude, concernant cette fois la Sarcelle d’hiver, montre que les deux grandes « voies de migration » théoriquement admises pour cette espèce – à savoir « Nord-Ouest Europe » et « Méditerranée – Mer Noire » devaient davantage « être considérées comme un continuum que comme des entités distinctes » car la reprise d’oiseaux bagués en Camargue montre qu’environ « 20 % des individus peuvent changer de voie, qu’il s’agisse de mâles ou de femelles« .
A une échelle plus fine, on observe d’ailleurs des mouvements de moindre ampleur, au sein d’une même région, entre le littoral et l’intérieur des terres, entre un marais et un autre, entre un champ et un autre, etc. Ce phénomène est assez visible pour des espèces comme le Vanneau huppé et le Pluvier doré par exemple. Tous les mouvements ne se font donc pas d’une traite, dans une seule direction et selon un axe nord-sud, loin de là !
Modéliser autrement les migrations…
Le fait que l’on observe localement des flux d’oiseaux très importants, qui semblent à peu près tous suivre le même chemin, est sans doute à l’origine de l’idée que les oiseaux suivent des voies ou des routes de migration, comme les Hommes suivent des routes pour partir en vacances. Les schémas présentant des « axes principaux » et des « axes secondaires » font d’ailleurs fortement penser à nos cartes routières avec leurs départementales, nationales et autoroutes !
Nous présentons ci-dessous un autre modèle où les migrations ne sont plus vues comme des déplacements linéaires suivant des couloirs ou des routes mais davantage comme l’écoulement d’un liquide d’un bassin à un autre, avec :
- des zones de concentration des flux au niveau des cols, des détroits, des falaises et pointes maritimes (qui correspondent aux « spots » de migration),
- des zones de dispersion où, en l’absence de fortes contraintes géographiques, les flux s’écoulent dans différentes directions, « remplissant » les bassins de manière plus aléatoire.
Photos : Brian Ralphs / USFWS Mountain Prairie / Tony Alter
Bonjour, j’ai une photo (pas très précise) d’un passage en « V » au-dessus de Marseille 12ème arrondissement direction du nord est au sud ouest de quinze oiseaux, et j’aimerais savoir si vous pouvez reconnaître de quel oiseau il s’agit, c’était le vendredi 29 novembre entre 8h28 et 8h 32 environ. Je peux vous envoyer la photo (comment faire?)
Merci Jean – H