Liste rouge des papillons de Bretagne : une nouvelle méthode au banc d’essai
Notre indice « FAR » doit permettre d’estimer rapidement l’état de conservation d’une espèce animale. Se basant sur les atlas de répartition et un calcul simple, il est bien plus facile à mettre en œuvre que la méthodologie UICN. Nous comparons ici les résultats des deux méthodes – FAR et UICN – pour les papillons de Bretagne.
En 2017 a paru un Atlas des papillons diurnes de Bretagne, basé sur des données récoltées entre 2000 et 2015. Suite à sa parution, une liste rouge des papillons de Bretagne a été réalisée en 2018, selon la méthodologie et la démarche de l’UICN. De notre côté, nous avons calculé notre indice « FAR » pour chaque espèce présentée dans l’atlas. Nous pouvons ainsi présenter une liste rouge des papillons de Bretagne sur critère « FAR ». Nous avons ensuite comparé notre liste, ce qui nous a permis de faire encore quelques ajustements, notamment sur les catégories.
Nous avons choisi de nous démarquer de la méthode UICN, en utilisant des catégories différentes mais toutefois comparables à celles de l’UICN. Nous avons notamment choisi de parler de la « sensibilité » ou de la « fragilité » d’une espèce plutôt que d’espèce « en danger ». En effet, notre indice mesure l’état de santé d’une population plutôt que les menaces qui pèsent sur elle. Par ailleurs, nous préférons, pour une population en bonne santé, le terme de « robuste » à celui, un peu péjoratif, de « préoccupation mineure » utilisé par l’UICN. Enfin, nous distinguons, parmi les espèces non menacées, une catégorie « robuste » et une catégorie « très robuste », ce qui donne une précision supplémentaire sur l’état des populations.
De point de vue des seuils retenus, nous avons affiné notre analyse et, in fine, retenu les seuils suivants : 0,25 / 0,6 / 1 / 2 et 5. L’indice FAR reste avant tout une variable continue qui donne en elle-même une bonne indication sur l’état d’une population, indépendamment de la classe à laquelle elle se rapporte.
Voici donc nos résultats, basés, nous le rappelons, sur les cartes de répartition de la période 2000-2015 :
Six espèces sont considérées comme « très fragiles » sur la période 2000-2015. Deux ont disparu depuis. Onze espèces sont « fragiles », neuf sont « sensibles » et douze « à surveiller ». Nous avons ensuite onze espèces « robustes » et vingt-quatre « très robustes ». Nous redisons ici qu’au-delà de 5, la valeur exacte de l’indice (7, 10, 20 ou plus) n’a guère d’importance.
Si nous comparons nos résultats avec ceux de l’UICN, nous notons tout d’abord que sur 76 espèces évaluées par l’UICN, nous avons 52 fois un accord exact entre FAR et UICN, soit 68 %. Si nous considérons maintenant un accord « convenable » lorsqu’il y a une seule catégorie d’écart, nous avons un taux d’accord convenable avec l’UICN de 91 % (69 cas sur 76). Il reste donc 7 cas où la divergence est forte :
- dans 3 cas, la divergence vient d’une prospection imparfaite, reconnue par les auteurs de l’atlas. Cela concerne le Petit Mars changeant, le Grand Mars changeant et l’Azuré porte-queue. Cette sous-prospection donne un indice FAR faible, tandis que la méthodologie UICN considère ces espèces comme « préoccupations mineures ».
- dans les 4 cas restants, nous pourrions dire que « la discussion reste ouverte ». Par exemple, la méthodologie UICN fait de l’Azuré des dunes une « préoccupation mineure » alors que notre indice la range dans les espèces « sensibles ». Notons que l’atlas des papillons considère cette espèce littorale comme « très rare« … Notre liste est également plus pessimiste que celle de l’UICN pour l’Hespérie du Brome, espèce « rare » à l’avenir « incertain » (dixit les auteurs de l’atlas) et le Sylvain azuré, espèce « rare » qui a subi « une forte régression« . Le seul cas inverse est celui du Faune, espèce « assez rare » que notre méthodologie FAR classe dans les espèces « à surveiller » tandis que la méthodologie UICN en fait une espèce « en danger »
Notons que dans l’ensemble, notre méthodologie FAR donne une appréciation égale ou légèrement plus pessimiste que celle de l’UICN. Par exemple, 6 espèces que nous considérons comme « à surveiller » sont des « préoccupations mineures » selon l’UICN, comme le Petit Nacré.
Pour terminer, notons que les données ont été jugées insuffisante, selon les critères de l’UICN, pour se prononcer sur le sort de la Thécla de l’Yeuse, de la Thécla du Prunier, de la Thécla de l’Orme, de l’Argus frêle et du Grand Sylvain. L’indice FAR obtenu pour ces espèces est très faible et non significatif. De manière plus générale, l’indice FAR doit, pour être pertinent, se baser sur une cartographie fiable et représentative. C’est là sa principale limite.
En conclusion, notre indice FAR donne des résultats cohérents pour peu qu’il repose sur des cartes fiables et sans grosses lacunes de prospection. Avec l’augmentation du nombre de données et l’apport des sciences participatives, ce point devrait aller en s’améliorant. Les « désaccords sérieux » avec les résultats obtenus par la méthodologie UICN sont très rares : seuls 4 cas sur 76 (soit 5 %) pour nos papillons de Bretagne. Pour le reste, méthode FAR et méthode UICN donnent des résultats tout à fait cohérents, la première ayant toutefois tendance à être légèrement plus pessimiste.
Photos : Émilien Barussaud, photos prises dans le Morbihan : Amaryllis, Azuré de la Bugrane et Petit Nacré
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