Les Indices Ponctuels d’Abondance (I.P.A) : intérêts et limites de la méthode

Parmi les méthodes permettant d’étudier les populations d’oiseaux, celle des Indices Ponctuels d’Abondance (I.P.A) est l’une des plus connues. Elle est fréquemment employée, dans la recherche scientifique comme dans les études d’impact.

1. Comment fonctionnent les I.P.A ?

Sur un territoire donné, on commence par répartir des points (ou stations) sur lesquels l’observateur va se placer pour réaliser ses comptages. Les points doivent être distants de 300 à 500 mètres pour éviter les risques de double comptage. Ils doivent également permettre de couvrir de manière représentative l’ensemble des milieux présents sur le territoire étudié.

L’observateur note, pendant une durée de 20 minutes tous les contacts sonores ou visuels avec les différentes espèces. Dans certaines études, cette durée est réduite à 5 ou 10 minutes, sans doute pour pouvoir couvrir davantage de stations en une même matinée… Cette réduction du temps d’échantillonnage pose toutefois problème, comme nous le verrons par la suite.

L’échantillonnage doit être réalisé au moment de la journée où les oiseaux sont censés être les plus actifs, à savoir en début de matinée, jusqu’à 10 heures environ. On réalise généralement pour chaque station un passage début avril pour prendre en compte les nicheurs précoces et un second en mai ou début juin pour les espèces plus tardives. On obtient ainsi, pour chaque station, une liste d’espèces ainsi qu’un indice d’abondance pour chaque espèce.

2. Dans quels cas utiliser les I.P.A ?

Cette méthode est une méthode dite « relative » car elle appréhende l’avifaune d’un territoire par le biais d’un échantillon de stations, au contraire des méthodes dites « absolues » qui visent à couvrir l’intégralité du territoire (par exemple la méthode des plans quadrillés).

On comprend que l’échantillonnage permet de couvrir des territoires vastes qu’il serait techniquement impossible de parcourir dans leur intégralité. Par exemple, si je souhaite étudier l’avifaune à l’échelle d’une commune ou, a fortiori, d’une région, la méthode des Indices Ponctuels d’Abondance paraît pertinente. En revanche, si je souhaite étudier une site de 10, 20 ou 50 hectares, autant mettre en place un recensement par une méthode absolue plutôt que de perdre de l’information en utilisant un échantillonnage.

Utiliser une méthode standardisée et reproductible telle que celle des I.P.A permet aussi de suivre l’évolution des populations d’oiseaux, toujours sur un vaste territoire et sur des temps longs. On pourra, par exemple, observer l’évolution du nombre d’espèces ou du nombre de contacts obtenus sur une série de stations pour savoir si un territoire devient plus ou moins attractif pour l’avifaune. Il faut pour cela raisonner sur un ensemble de stations et non station par station car l’évolution ponctuelle n’est guère significative. De manière générale, plus on a de données (beaucoup de stations et/ou beaucoup d’années), plus l’interprétation est pertinente.

3. Les limites de la méthode

Tout d’abord, notons que la fiabilité de cette méthode repose sur un choix judicieux des points de sondage. Ces derniers doivent être suffisamment nombreux et bien situés pour couvrir la diversité du territoire. Il faut aussi pouvoir les parcourir tous durant les premières heures de la matinée durant lesquelles les oiseaux sont les plus actifs. Autrement, on ne saurait comparer les points d’écoute réalisés au lever du soleil et ceux réalisés à midi.

Ensuite, notons que les espèces n’ont pas toute la même détectabilité, loin s’en faut ! Les chants et cris de certaines espèces (Coucou gris, Pic noir, Geai des chênes, Buse variable) s’entendent à plusieurs centaines de mètres tandis que d’autres espèces (Roitelets, Pouillot fitis, Bouvreuil pivoine…) ont un chant beaucoup plus discret, audible à quelques dizaines de mètres seulement. D’autres, comme l’Autour des palombes, sont presque muettes. Enfin, certaines ne sont actives qu’à la tombée du jour ou en pleine nuit (Engoulevent d’Europe, Chouette hulotte, Effraie des clochers). La méthode des Indices Ponctuels d’Abondance met donc en avant les espèces qui s’entendent bien, ainsi que celles qui se voient facilement (Buse variable, Pigeon ramier, Corneille noire), tandis que des espèces discrètes, notamment forestières, passent facilement inaperçues.

Bouvreuil pivoine : malgré ses couleurs vives, cet oiseau passe facilement inaperçu dans les boisements ; son chant, notamment, est très discret. Vulnérable à l’échelle nationale, il constitue un enjeu de conservation important.

Or, si l’on cherche à réaliser un inventaire des espèces « patrimoniales » ou « sensibles », il convient de cibler ces espèces d’une manière particulière, ce que la méthode des I.P.A, trop généraliste, ne permet pas de faire. Ces espèces sensibles sont d’ailleurs souvent des espèces discrètes (Engoulevent d’Europe, Autour des palombes, etc.) qui nécessitent une approche autre que celle des I.P.A.

Notons enfin qu’en 20 minutes, on ne peut prétendre contacter toutes les espèces présentes autour du point où se tient l’observateur. En effet, beaucoup ne chantent que par intervalles, avec parfois des « silences » d’une ou plusieurs heures. Le fait de réduire le temps d’écoute et d’observation à 5 ou 10 minutes diminue encore la représentativité des échantillons.

Conclusions

Comme nous venons de le voir, la méthode relative des Indices Ponctuels d’Abondance doit être utilisée :

  • dans les cas où une méthode absolue ne peut être mise en œuvre : territoire d’une commune, d’une région, ou plus vaste encore,
  • pour réaliser un suivi dans le temps des populations d’oiseaux,
  • pour appréhender l’avifaune dans son ensemble, éventuellement une espèce en particulier, à condition qu’elle soit bien détectable et de disposer d’un grand nombre de données,
  • en portant une attention particulière au choix des points (ou stations) et en respectant plusieurs contraintes fortes : distance minimale entre deux points, prise en compte des différents milieux, possibilité de couvrir tous les points en quelques heures

Dans les études d’impact, il est souvent possible de mettre en place une méthode absolue (de type « plans quadrillés ») complétée par des recherches spécifiques pour d’éventuelles espèces à enjeux particulièrement discrètes.

 

Images : Bouvreuil pivoine, Robin D. Knapp

10 réponses
  1. Patrick Cartier
    Patrick Cartier dit :

    Bonjour,

    une question toute basique : comment définiriez-vous l’indice ponctuel d’abondance? Si je pose la question, c’est que je suis tombé sur ce passage dans un guide méthodologique relatif aux inventaires :
    « Cette méthode [l’IPA] vise à recenser les oiseaux en période de reproduction pour caractériser les peuplements. »
    Est-ce qu’un IPA vise nécessairement à recenser les oiseaux en période de reproduction? D’ailleurs votre article n’évoque pas cet aspect, et il me semble également qu’on pourrait en principe procéder à un IPA des oiseaux en dehors de leur période de reproduction même si effectivement cette période est tout de même bien commode pour repérer le maximum de spécimens.

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    • Emilien Barussaud
      Emilien Barussaud dit :

      Bonjour,

      Pour répondre à votre question sur les IPA :
      Il s’agit d’un comptage des contacts (visuels ou auditifs) notés depuis un point fixe pendant une durée déterminée.
      Ce comptage concerne toutes les espèces : on obtient un nombre de contacts / unité de temps pour chacune des espèces.
      On peut aussi choisir de ne compter qu’une seule espèce à laquelle on s’intéresse en particulier.
      On fait souvent ce genre de comptage en période de nidification (durant laquelle les oiseaux chantent et sont cantonnés) mais rien ne vous empêche de faire de même en période d’hivernage ou de migration.
      Le principal intérêt est de comparer les points entre eux (nombre de contacts, nombre d’espèces ou des indices de diversité plus complexes) ou de comparer les relevés faits chaque année au même endroit (évolution des populations dans le temps).

      J’espère avoir répondu à votre question.

      Cordialement

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      • Patrick Cartier
        Patrick Cartier dit :

        Bonjour, merci pour toutes ces précisions. Je me disais bien que c’était étrange de limiter les IPA aux oiseaux en période de reproduction.

  2. Hamdi DZIRI
    Hamdi DZIRI dit :

    ma question est la suivante
    je cherche le détaille comment je calcule mon IPA c ‘est a dire la méthode de calcule pour arrivé a dire que j’ai temps d’espèce.
    merci.

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    • Emilien Barussaud
      Emilien Barussaud dit :

      Bonjour,
      Le principe des I.P.A est de noter le nombre de contacts (visuels et auditifs) pour chaque espèce sur un point donné pendant un temps donné.
      Exemple :
      En dix minutes : 5 contacts Pinson des arbres, 3 contacts Pouillot véloce, 6 contacts Pigeon ramier, 1 contact Buse variable, etc.
      Ensuite, vous pouvez utiliser les résultats comme vous le souhaitez selon le but recherché. L’intérêt est de comparer des points entre eux ou un même point à différentes dates : c’est une méthode relative. Le résultat d’un seul point n’a aucune signification en lui-même. Vous pouvez comparer le nombre d’espèces, le nombre de contacts par espèce, le nombre de contacts toutes espèces confondues, etc.
      Bien cordialement
      Emilien

      Répondre
  3. Pierre Pola
    Pierre Pola dit :

    Une notion qui n’est pas abordé, mais qui très importante, est que par la méthode des ipa, on compte les couples. C’est un inventaire des oiseaux nicheurs. Un mâle chanteur = 1 couple, un oiseau vu un cri = 0,5 couple.
    C’est pour cela que l’on compte au printemps.
    Autre sujet, le temps d’écoute: statistiquement on contacte 70% des individus dans les 5 première minutes et les 30% restant dans les 15 mn suivantes.
    Pierre
    Cette méthode à été élaboré pour les milieux forestier surtout. En forêt 90 % des oiseaux que l’on entend, ne se voient pas.
    Pour contacter les espèces « discrètes » il est nécessaire de faire des opérations ciblées.
    Transect pour les picidés par exemple ou point d’observation à partir de point dégagé, panoramique à partir de 10 heure (après les ipa) pour les rapaces.

    Répondre
    • Emilien Barussaud
      Emilien Barussaud dit :

      Merci pour votre message. Cette méthode est en effet utilisée pour les inventaires d’oiseaux nicheurs comme celle des plans quadrillés. Cette dernière me paraît toutefois plus fiable dans la mesure où elle prend en compte la répartition géographique à échelle fine.
      L’équivalence « 1 chanteur = 1 couple » (au passage, quid des espèces polygames comme accenteur ou troglodyte ?) et – a fortiori – « un oiseau vu = 0,5 couple » est une simplification sans doute nécessaire si l’on travaille sur de très grands territoires mais on peut avoir une analyse plus fine sur une zone d’étude plus petite.

      Répondre
  4. Pierre-Hadrien Mortier
    Pierre-Hadrien Mortier dit :

    Bonjour,
    Auriez vous une idée de méthode référencée scientifiquement qui fonctionne pour des sites trop petits (moins de 20ha) pour les IPAs mais trop grands pour les quadrats/plans quadrillés (plus de 2ha de jardin public forestier me semblent tout de même durs à investiguer avec peu de moyens et plus de 10 espèces nicheuses)
    Article intéressant en tout cas
    et je précise que par manque de moyens je veux dire qu’en bureau d’études ou en association, on a généralement 2 jours maximum et pas forcément une expertise ornithologique totale sur toutes les espèces : pour avoir un plan exhaustif du site en territoires de couples nicheurs par espèces, à part des sites très pauvres, cela me parait compliqué. Mais peut-être que j’estime mal.

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    • Emilien Barussaud
      Emilien Barussaud dit :

      Bonjour,
      Merci pour votre message. En effet, 2 jours risquent d’être insuffisants pour un milieu boisé et assez riche en espèces. Surtout que la saison de nidification peut s’étendre de mars à août : il y aura forcément des trous dans la prospection. Si je devais choisir, je tenterais la méthode des plans quadrillés en passant une fois en avril et une fois en mai. Vous ne pourrez pas forcément localiser précisément les territoires, mais la localisation des mâles chanteurs est déjà une information intéressante. Ensuite, vous pouvez étayer vos observations avec de la biblio : en fonction des domaines vitaux et des habitats des espèces, vous pourrez déjà estimer la population présente sur votre site.
      Si vous avez deux hectares, pour les passereaux il y aura 1, 2, maximum 3 couples par espèce a priori… Et attention aux espèces polygames dans la comptabilité ! Bon courage.

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      • Mortier Pierre-Hadrien
        Mortier Pierre-Hadrien dit :

        Merci ça semble être une bonne idée, même si les mâles chanteurs ne sont renseignés que comme « nicheurs possibles » donc pas très fiables en cas de compensation mais dans tout autre cas ça semble intéressant d’estimer de cette manière.

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