Les protocoles naturalistes standardisés (type IPA) sont-ils adaptés pour une étude d’impact environnemental ?

Quel est l’objectif d’un état initial ?

La première étape d’une étude d’impact, ou évaluation environnementale, consiste en la réalisation d’un état initial. Concernant la faune (oiseaux, reptiles, batraciens…), cet état initial doit permettre d’obtenir :

  • un inventaire le plus exhaustif possible des espèces présentes
  • la localisation la plus précise possible des habitats utilisés par les espèces à enjeux (notamment les espèces protégées)
  • le maximum d’informations sur les populations animales présentes (effectifs, reproduction) et leur utilisation du site (zones d’alimentation, gîtes, corridors)

Grâce à ces informations, l’évaluation des incidences de votre projet reposera sur des bases solides.

Dans quel cas échantillonner ?

Les protocoles standardisés répondent-ils à ces exigences ? Prenons l’exemple des indices ponctuels d’abondance (ou I.P.A) pour les oiseaux : il s’agit d’une méthode d’échantillonnage et non d’une méthode absolue. Il faut bien entendu choisir une méthode d’échantillonnage lorsque l’objet d’étude est trop vaste pour être appréhendé de manière exhaustive : si vous étudiez le territoire d’une commune ou d’un Parc Naturel Régional , il vous sera impossible de recenser de manière exhaustive tous les couples d’oiseaux nicheurs du territoire.

La localisation des mâles chanteurs (ici une Alouette lulu) est une étape importante des inventaires

Mais si vous étudiez un site de superficie plus limité, quelques hectares ou quelques dizaines d’hectares, rien ne vous empêche de réaliser un inventaire plus exhaustif :

  • réalisez 4 à 6 passages sur site en période de reproduction (mars à juillet)
  • lors de chaque passage, notez précisément vos observations sur une carte au 1/25.000 ème ou sur une image aérienne : localisation des mâles chanteurs, d’adultes transportant de la nourriture, de jeunes dépendants, etc.
  • à la fin de la période, recoupez vos données et analysez les en regard des exigences écologiques des différentes espèces

Vous pouvez ainsi obtenir un inventaire exhaustif des espèces présentes et acquérir beaucoup d’informations sur leurs effectifs et les habitats qu’elles fréquentent.

Pour les reptiles, il est souvent question d’utiliser des plaques-abris. Si cette méthode paraît au premier abord plus rigoureuse qu’une « simple » prospection à vue, elle donne souvent des résultats décevants : plusieurs dizaines de relevés sont nécessaires pour réaliser une seule observation (voir ici). En examinant avec attention les milieux favorables aux meilleures heures de la journée, un naturaliste expérimenté peut être bien plus efficace, surtout si la superficie à prospecter est limitée.

En utilisant l’échantillonnage, nous abandonnons l’idée de recensement exhaustif pour celle de recensement représentatif : cela peut être nécessaire dans certains cas mais ne doit pas être privilégié a priori.

Une méthode adaptée plutôt qu’une méthode standardisée

Une bonne méthode d’inventaire doit donc être adaptée :

  • au potentiel du site : superficie, contexte géographique, milieux présents
  • à la nature du projet : lotissement, parc éolien, centrale photovoltaïque, etc.

Il est indispensable d’étudier le site et le projet avant de mettre en place une méthode d’inventaires naturalistes. Par exemple :

La prise en compte des oiseaux volant à haute altitude (ici un Vautour fauve) est indispensable dans le cas d’un projet éolien
  • vous étudiez un milieu avec de nombreuses mares et ornières : il y a potentiellement de forts enjeux liés aux batraciens ; vous devez donc prévoir une forte pression de prospection entre février et avril pour rechercher des individus en phase aquatique, des pontes ou des larves
  • votre site est un friche caillouteuse sèche et ensoleillée : les enjeux liés aux reptiles seront probablement plus forts, il faudra prospecter attentivement entre avril et juin…

De même, la nature du projet nécessite des adaptations :

  • pour un parc éolien, l’étude des déplacements d’oiseaux en altitude (plus de 30 mètres) sera au moins aussi importante que celle des petits passereaux qui nichent dans les sous-bois et les broussailles
  • en revanche, un projet de requalification urbaine pourra faire l’impasse sur les déplacements d’oiseaux en altitude, ces derniers n’étant pas impactés

Une bonne méthode doit être souple et ajustable

La détection de la Vipère péliade demande beaucoup d’expérience et une pression d’observation élevée dans les milieux favorables (photo prise à Arzal, Morbihan)

Lorsqu’il parcours un site, un bon naturaliste travaille par itérations : ayant repéré un secteur potentiellement intéressant, il y revient régulièrement et y consacre beaucoup de temps. Par exemple, si il repère en février un habitat a priori favorable aux reptiles, il y revient en avril et en mai, par un temps ensoleillé, pour confirmer ou infirmer son hypothèse. En revanche, si un secteur s’avère pauvre, il y passe moins de temps. Ainsi, au fur et à mesure de ses passages sur le site, ses connaissances s’affinent en même temps que sa méthodologie s’ajuste.

Pour l’installation d’une caméra automatique, le naturaliste choisi un endroit particulièrement favorable en fonction des indices qu’il trouve sur le terrain : traces, coulées, crottes, etc. Cet emplacement ne peut pas être défini sans lien avec la réalité de terrain.

On comprend donc que des protocoles standardisés (type I.P.A) définis en amont des prospections risquent de contraindre le naturaliste à passer du temps sur des secteurs décevants aux dépends de secteurs plus décisifs. De même, le volume des éventuelles prospections nocturnes doit être proportionnel à la présence probable d’espèces à enjeux : chiroptères, Engoulevent d’Europe, Rainette verte, Crapaud calamite, etc.

En conclusion, chaque projet nécessite la mise au point d’une méthodologie spécifique en deux temps :

  • en amont : la définition de la pression d’observation et des périodes de l’année à couvrir en fonction des enjeux potentiels
  • pendant l’étude : l’observateur doit savoir optimiser le temps passé sur le terrain en accentuant son effort de prospection sur les secteurs et les espèces à enjeux, au fur et à mesure de ses découvertes

Conclusion

Les méthodes standardisées sont adaptées pour des suivis sur le long terme ou lorsqu’un échantillonnage est nécessaire. Dans le cas d’un état initial préalable à une étude d’impacts, l’expérience et la capacité d’adaptation de l’observateur sont primordiaux pour collecter un maximum d’informations en un nombre limité de sorties de terrain.


Photo à la une : Tarier pâtre