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Inventaire des reptiles : comparaison de la méthode « avec plaques » et de la méthode « à vue »

Les reptiles sont des animaux généralement discrets que le naturaliste peut avoir des difficultés à détecter. Nous avons déjà précédemment évoqué sur ce blog les avantages et inconvénients de la méthode des plaques à reptiles (voir ici). Dans cet article, nous allons comparer l’efficacité de la méthode « avec plaques » avec celle de la méthode de recherche « à vue », c’est-à-dire en se déplaçant le long des milieux favorables, généralement les lisières.

Des données concernant 12 espèces (Lézards, Couleuvres, Vipères…)

Nous avons compilé les résultats de 6 études où la méthode « plaques » et la méthode « à vue » ont été utilisées en parallèle. Nous avons, pour chaque espèce, noté le nombre de données obtenues « avec plaques » (animal vu sous ou sur une plaque) et le nombre de données obtenues par l’observation directe « à vue ». Notons au passage qu’il est difficile de réaliser une prospection strictement égalitaire entre les plaques et les observations à vue car on ne peut pas faire correspondre à un nombre de plaques un nombre « équivalent » de mètres parcourus… Ajoutons enfin qu’un manque d’expérience ou d’attention de l’observateur fait fortement chuter les résultats « à vue » alors qu’il est sans effet sur les résultats de la méthode avec plaques. L’efficacité relative de cette dernière a donc tendance à être surestimée dans les résultats qui suivent.

Nous présentons ci-dessous le résultat en terme de pourcentage d’observations sous plaques par rapport au total des observations, espèce par espèce et étude par étude. Le tableau des données brutes figure pour information en fin d’article.

Notons que sur les 12 espèces étudiées, l’Orvet fragile et la Coronelle lisse sont les seules espèces pour lesquelles l’utilisation des plaques s’avère indispensable. En revanche, la méthode des plaques ne présente quasiment pas d’intérêt pour les lézards. Les autres espèces sont dans une situation intermédiaire, avec une tendance « plaques » pour les Couleuvres et une tendance « à vue » pour les Vipères.

Notre expérience

Les résultats de cette compilation de données sont en adéquation avec les observations que nous réalisons depuis une quinzaine d’années en Bretagne et Pays de la Loire :

  • La Coronelle lisse est en effet quasiment impossible à détecter à vue mais utilise bien les plaques
  • L’Orvet fragile est l’espèce que nous observons le plus fréquemment sous plaque tandis que sa détection sans plaque est très aléatoire
  • Le Lézard des murailles, le Lézard à deux raies et le Lézard vivipare ne nécessitent pas l’utilisation de plaques : l’observation directe des murets, des talus et des lisières ensoleillés permet de détecter facilement ces espèces
  • Lors des prospections à vue, nous observons assez régulièrement les Vipères aspic et péliade et parfois la Couleuvre helvétique. L’utilisation des plaques apporte peu de données supplémentaires pour ces espèces.

Ci-dessus, quelques photos réalisées par Émilien Barussaud ; de haut en bas et de gauche à droite : Coronelle lisse sous plaque (Morbihan), deux Orvets fragiles sous plaque (Morbihan), observation d’une Couleuvre helvétique à vue (Loire-Atlantique), Lézard vivipare dans une clairière forestière (Loire-Atlantique), combat de Lézards à deux raies mâles (Morbihan), Vipère aspic trouvée à vue dans le bocage (Loire-Atlantique) et enfin deux Vipères péliades observées à vue dans des secteurs de landes (Morbihan et Finistère)

Annexe : tableau des données brutes

Plus de 200 espèces animales sur un seul hectare : les leçons d’une prospection intensive

L’idée de cet article m’est venue en considérant le nombre d’espèces animales que nous avons observées dans notre petit hameau breton : plus de 200 ! Deux-cent espèces identifiées en une dizaine d’années, dont près de 50 espèces d’oiseaux et plus de 100 lépidoptères. Quelles leçons tirer de cette étonnante biodiversité « ordinaire » ?

Notre connaissance de la nature n’est jamais parfaite

Deux-cent espèces peuvent donc être découvertes sur un très petit territoire, composé essentiellement de pelouses, d’arbres d’ornement et de plantations. La chose paraît étonnante, pour ne pas dire impossible. Un naturaliste parcourant ce hameau pendant une journée n’en découvrirait peut-être qu’une dizaine ou une vingtaine selon la période de l’année. C’est le temps passé – ici, en l’occurrence, une prospection quasi-quotidienne – qui permet d’allonger la liste des espèces, quasi indéfiniment ! Car le rythme des découvertes ne faiblit guère. Si mon attention s’est d’abord portée sur les vertébrés, la découverte des lépidoptères, des coléoptères et plus récemment des araignées m’a permis d’aller de trouvaille en trouvaille ces cinq dernières années.

La première leçon de cette prospection intensive serait donc la suivante : de très nombreuses espèces animales peuplent les jardins et les abords de nos habitations. Une liste d’espèces n’est jamais vraiment complète. Des espèces apparaissent selon les saisons, au fil des années et… lorsque notre intérêt et nos connaissances augmentent !


Quelques mètres-carrés suffisent

Comme nous l’avons dit précédemment, notre hameau n’a rien d’un milieu naturel remarquable. Il présente même un aspect relativement « jardiné ». Son atout principal en termes de biodiversité est certainement l’absence de clôtures. Dans un paysage agricole dominé par les cultures intensives, il constitue un refuge facile d’accès pour le faisan, le lièvre et parfois même le chevreuil !

Des micro-habitats de quelques mètres-carrés abritent les espèces de petite taille : tas de bois, compost, vieilles souches, tas de pierres, potager… Quelques bandes d’herbes « sauvages », épargnées par la tondeuse, assurent le gîte et le couvert à de nombreux insectes. Enfin, les maisons elles-mêmes peuvent servir d’abris, notamment aux chiroptères.


Un réseau de jardins pour la biodiversité

Si un seul jardin peut abriter tant d’espèces, ne faut-il pas reconsidérer – à l’instar de l’association « Jardins de Noé » – le rôle que pourraient jouer des milliers de petites parcelles privées, en ville comme à la campagne ? Comme nous venons de le voir, il est facile pour un particulier d’accueillir une faune sauvage variée sur son terrain sans pour autant renoncer à l’usage récréatif ou productif de ce dernier. Mais avant-même de semer une prairie fleurie ou d’installer un nichoir à oiseaux, la première chose à faire est d’observer avec patience et de chercher à connaître ces espèces que nous croisons au quotidien, souvent sans nous en rendre compte. Ouvrons les yeux car elles sont plus nombreuses que nous le croyons !

Lézard des murailles : statut de protection, risques de destruction, démarche ERC

Votre projet d’aménagement impacte une population de Lézards des murailles (Podacris muralis) : que faire ? Voici en plusieurs étapes les démarches à réaliser.

Le Lézard des murailles : une espèce protégée

Comme la quasi-totalité des reptiles, le Lézard des murailles est une espèce protégée en France. L’arrêté du 8 janvier 2021 indique qu’il est interdit de capturer ou de détruire cette espèce mais aussi de détruire, d’altérer ou de dégrader ses habitats (art. 2). Cette espèce est par ailleurs commune et il n’est pas rare de la trouver dans des friches industrielles, des maisons en ruine, des tas de gravats ou encore des remblais recolonisés par la végétation. Cette espèce est donc fréquemment présente dans des secteurs momentanément abandonnés où sont prévues des opérations d’aménagement : requalification urbaine, réhabilitation de friche, etc.

Identifier et localiser le Lézard des murailles

Le Lézard des murailles est assez facile à observer mais son identification peut, dans certains cas, poser problème. Il s’agit d’un petit lézard assez terne, souvent observé sur les murs, les terrasses et les talus bien ensoleillés. La confusion est possible avec le Lézard vivipare et, dans le sud de la France, avec le Lézard hispanique. Un naturaliste, issu d’un bureau d’étude ou d’une association, saura reconnaître l’espèce. Mars et avril sont les meilleurs mois pour effectuer les recherches : à la sortie de l’hiver, les individus s’exposent longuement au soleil pour se chauffer. L’espèce reste visible quasiment toute l’année, pour peu que le soleil soit généreux. Les observations sont toutefois rares de novembre à la mi-février.

Il est important de réaliser une cartographie (sur photo aérienne) des observations réalisées lors de 2 ou 3 passages sur le terrain. Cela permettra d’estimer la surface d’habitats favorables impactés par votre projet. Le Lézard des murailles a un domaine vital de petites dimensions : de 10 à 100 m². Parfois, un simple tas de pierres ou de branches dans un environnement par ailleurs peu favorable leur suffit.

La démarche ERC (éviter, réduire, compenser) appliquée au lézard des murailles

Si votre projet d’aménagement impacte des Lézards des murailles, vous devez faire une demande de dérogation : voici la marche à suivre.

Ce dossier comprend l’évaluation des impacts et la mise en place de mesures d’évitement, de réduction et de compensation (= la démarche ERC). Pour évaluer les impacts, il importe de superposer votre projet à la carte de localisation des observations. Si tous les habitats occupés par le Lézard des murailles sont détruits, la survie de l’espèce sera compromise, ce qui compliquera l’obtention de la dérogation. Il importe donc d’éviter ses habitats, a fortiori si ils abritent également d’autres espèces protégées. Ainsi, un chemin creux dont les talus servent au Lézard des murailles devra être conservé en priorité, d’autant que des oiseaux ou d’autres reptiles peuvent également y vivre. Inversement, un tas de gravats présente moins d’intérêt pour la faune en général, même si notre lézard, peu exigeant, peut l’avoir colonisé.

Les mesures d’évitement et de réduction (adaptation de l’emprise du projet, balisage, opération de sauvetage avant travaux…) ne peuvent pas toujours garantir l’absence d’impacts résiduels. Il peut donc être nécessaire de prévoir des mesures de compensation. Pour notre Lézard des murailles, les solutions peuvent être relativement simples, compte tenu de ses faibles exigences écologiques et de son domaine vital de petites dimensions. Citons par exemple la création d’un muret de pierres sèches : cet habitat est typiquement favorable à l’espèce et peut, de surcroît, présenter un intérêt esthétique dans une zone d’habitations. Sur un site moins fréquenté, des tas de pierres entourés de végétation herbacée feront l’affaire. Enfin, la création d’une haie buissonnante sur un talus bien exposé au soleil peut être une bonne mesure de compensation pour le lézard et d’autres espèces animales.

Photos : Émilien Barussaud

Comment faire une demande de dérogation « espèces protégées » (oiseaux, reptiles, mammifères…)

De nombreuses espèces animales bénéficient en France d’une protection à l’échelle nationale. Toute personne qui souhaite déroger à cette protection légale doit en faire la demande. Le préfet de département peut autoriser ou refuser la dérogation. La demande de dérogation comporte un (ou des) formulaire(s) Cerfa ainsi qu’un dossier. Quel formulaire remplir ? Que doit contenir le dossier ? Voici les réponses, en 4 étapes.

Le cadre législatif

Les articles L411-1 et L411-2 du Code de l’Environnement prévoient la protection de certaines espèces animales « lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient [leur] conservation« . Pour ces espèces, la protection ne se limite pas nécessairement aux individus mais concerne également les habitats de ces espèces. Concernant les oiseaux, les nids et les œufs sont également protégés.

Les listes d’espèces animales bénéficiant d’une protection nationale sont définies par les textes suivants :

  • Oiseaux : arrêté du 29 octobre 2009 (modifié le 21 juillet 2015)
  • Reptiles et amphibiens : arrêté du 19 novembre 2007 (modifié le 8 janvier 2021)
  • Mammifères : arrêté du 23 avril 2007 (modifié le 15 septembre 2012 et le 1er mars 2019)
  • Insectes et mollusques : arrêté du 23 avril 2007

Les modalités de demande d’une dérogation sont fixées par l’arrêté du 19 février 2007. L’article 1 de cet arrêté indique que les dérogations sont « délivrées par le préfet du département du lieu de l’opération pour laquelle la dérogation est demandée« .


Étape 1 : identifier les espèces protégées

La première étape consiste à dresser la liste des espèces impactées par votre projet. Il peut s’agir d’une seule espèce. Par exemple : un ravalement de façade impactant des nids d’hirondelles. Si votre projet est de grande ampleur (aménagement d’un quartier, création d’une zone d’activité, etc.), il est nécessaire de faire réaliser un diagnostic par un bureau d’étude : ce dernier dressera la liste complète des espèces protégées présentes sur la zone de votre projet.

Le bureau d’étude cherchera également à collecter le plus d’informations possible sur ces espèces : période de présence, estimation du nombre de couple (oiseaux), localisation précise, habitats utilisés, etc. Ces informations seront présentées dans le dossier qui accompagnera vos formulaires Cerfa. Elles permettront aux services qui instruiront le dossier (DDT, DDTM, DREAL) de comprendre les enjeux présents sur votre site.

Cette étape est à prévoir le plus en amont possible dans votre projet. En effet, les prospections de terrain se déroulent généralement sur plusieurs mois (mars à juin étant la période la plus décisive) voire, en fonction des caractéristiques de votre projet, sur un cycle annuel complet.

Étape 2 : les trois conditions à respecter

D’après l’article L-411-2 4°, pour la délivrance d’une dérogation « espèces protégées », deux conditions doivent être remplies :

  • Il n’existe pas d’autre solution plus satisfaisante
  • La dérogation ne nuit pas au maintien de l’état de conservation favorable des espèces dans leur aire de répartition naturelle

Ce second point doit être démontré dans votre dossier. C’est pourquoi une analyse solide des enjeux et des impacts doit y figurer.

Par ailleurs, votre projet doit correspondre à l’une des cinq situations suivantes :

  • comporter un intérêt pour la protection de la faune et de la flore sauvage
  • prévenir des dommages importants aux cultures, à l’élevage, etc.
  • présenter un intérêt pour la santé, la sécurité publique ou d’autres raisons d’intérêt public majeur
  • avoir des fins de recherche, d’éducation ou de repeuplement / réintroduction d’espèces
  • permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention de certains spécimens

Dans le cas d’une opération d’aménagement (route, zone d’activité, etc.), c’est le troisième point, à savoir la « raison d’intérêt public majeur« , qui sera invoqué.

Étape 3 : évaluer les impacts et prévoir des mesures ERC

Une évaluation des impacts consiste à prévoir la destructions d’individus ou d’habitats qui pourraient avoir lieu :

  • lors de la phase de chantier : la destruction de nichées d’oiseaux lors du défrichage en est un exemple
  • lors de la phase dite « d’exploitation » : il s’agit d’effets sur le long terme comme la disparition d’une mare, la pollution lumineuse liée à l’éclairage publique ou encore le dérangement de la faune liée à une augmentation de la fréquentation du site

Il s’agit donc de donner aux services instructeurs une vision claire de l’impact de votre projet sur les différentes espèces protégées.

Une fois les risques identifiés, des mesures d’évitement, de réduction et, en dernier lieu, de compensation, doivent être prévues et précisément décrite dans votre dossier. L’objectif est aussi de démontrer que votre projet ne nuit pas au maintien de l’état de conservation favorable des espèces protégées.

Étape 4 : remplir les formulaires Cerfa

Enfin, une fois votre dossier réalisé, vous devez lui adjoindre les formulaires Cerfa adaptés. Par exemple :

Ces formulaires résument votre demande, c’est pourquoi nous vous conseillons de les remplir une fois votre dossier de demande terminé.

En Bretagne, votre demande doit être adressée, dans la majorité des cas, à la DDTM du département où se situe votre projet. Voir ici.

Le CSRPN (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel) ou le CNPN (Conseil national pour la protection de la nature) peuvent être saisis afin d’émettre un avis sur votre dossier. Ces instances peuvent donner un avis favorable, favorable sous conditions ou défavorable.

En dernier lieu, le préfet décide d’accorder ou non l’autorisation par arrêté préfectoral.


Protection des reptiles et des amphibiens : ce qui change avec l’arrêté du 8 janvier 2021

Paru au Journal Officiel le 11 février 2021, l’arrêté ministériel du 8 janvier 2021 (voir le texte ici) fixe la nouvelle liste des espèces d’amphibiens et de reptiles protégées en France. Quelques changements interviennent par rapport au précédent texte (arrêté du 19 novembre 2007).

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Les protocoles naturalistes standardisés (type IPA) sont-ils adaptés pour une étude d’impact environnemental ?

Quel est l’objectif d’un état initial ?

La première étape d’une étude d’impact, ou évaluation environnementale, consiste en la réalisation d’un état initial. Concernant la faune (oiseaux, reptiles, batraciens…), cet état initial doit permettre d’obtenir :

  • un inventaire le plus exhaustif possible des espèces présentes
  • la localisation la plus précise possible des habitats utilisés par les espèces à enjeux (notamment les espèces protégées)
  • le maximum d’informations sur les populations animales présentes (effectifs, reproduction) et leur utilisation du site (zones d’alimentation, gîtes, corridors)

Grâce à ces informations, l’évaluation des incidences de votre projet reposera sur des bases solides.

Dans quel cas échantillonner ?

Les protocoles standardisés répondent-ils à ces exigences ? Prenons l’exemple des indices ponctuels d’abondance (ou I.P.A) pour les oiseaux : il s’agit d’une méthode d’échantillonnage et non d’une méthode absolue. Il faut bien entendu choisir une méthode d’échantillonnage lorsque l’objet d’étude est trop vaste pour être appréhendé de manière exhaustive : si vous étudiez le territoire d’une commune ou d’un Parc Naturel Régional , il vous sera impossible de recenser de manière exhaustive tous les couples d’oiseaux nicheurs du territoire.

La localisation des mâles chanteurs (ici une Alouette lulu) est une étape importante des inventaires

Mais si vous étudiez un site de superficie plus limité, quelques hectares ou quelques dizaines d’hectares, rien ne vous empêche de réaliser un inventaire plus exhaustif :

  • réalisez 4 à 6 passages sur site en période de reproduction (mars à juillet)
  • lors de chaque passage, notez précisément vos observations sur une carte au 1/25.000 ème ou sur une image aérienne : localisation des mâles chanteurs, d’adultes transportant de la nourriture, de jeunes dépendants, etc.
  • à la fin de la période, recoupez vos données et analysez les en regard des exigences écologiques des différentes espèces

Vous pouvez ainsi obtenir un inventaire exhaustif des espèces présentes et acquérir beaucoup d’informations sur leurs effectifs et les habitats qu’elles fréquentent.

Pour les reptiles, il est souvent question d’utiliser des plaques-abris. Si cette méthode paraît au premier abord plus rigoureuse qu’une « simple » prospection à vue, elle donne souvent des résultats décevants : plusieurs dizaines de relevés sont nécessaires pour réaliser une seule observation (voir ici). En examinant avec attention les milieux favorables aux meilleures heures de la journée, un naturaliste expérimenté peut être bien plus efficace, surtout si la superficie à prospecter est limitée.

En utilisant l’échantillonnage, nous abandonnons l’idée de recensement exhaustif pour celle de recensement représentatif : cela peut être nécessaire dans certains cas mais ne doit pas être privilégié a priori.

Une méthode adaptée plutôt qu’une méthode standardisée

Une bonne méthode d’inventaire doit donc être adaptée :

  • au potentiel du site : superficie, contexte géographique, milieux présents
  • à la nature du projet : lotissement, parc éolien, centrale photovoltaïque, etc.

Il est indispensable d’étudier le site et le projet avant de mettre en place une méthode d’inventaires naturalistes. Par exemple :

La prise en compte des oiseaux volant à haute altitude (ici un Vautour fauve) est indispensable dans le cas d’un projet éolien
  • vous étudiez un milieu avec de nombreuses mares et ornières : il y a potentiellement de forts enjeux liés aux batraciens ; vous devez donc prévoir une forte pression de prospection entre février et avril pour rechercher des individus en phase aquatique, des pontes ou des larves
  • votre site est un friche caillouteuse sèche et ensoleillée : les enjeux liés aux reptiles seront probablement plus forts, il faudra prospecter attentivement entre avril et juin…

De même, la nature du projet nécessite des adaptations :

  • pour un parc éolien, l’étude des déplacements d’oiseaux en altitude (plus de 30 mètres) sera au moins aussi importante que celle des petits passereaux qui nichent dans les sous-bois et les broussailles
  • en revanche, un projet de requalification urbaine pourra faire l’impasse sur les déplacements d’oiseaux en altitude, ces derniers n’étant pas impactés

Une bonne méthode doit être souple et ajustable

La détection de la Vipère péliade demande beaucoup d’expérience et une pression d’observation élevée dans les milieux favorables (photo prise à Arzal, Morbihan)

Lorsqu’il parcours un site, un bon naturaliste travaille par itérations : ayant repéré un secteur potentiellement intéressant, il y revient régulièrement et y consacre beaucoup de temps. Par exemple, si il repère en février un habitat a priori favorable aux reptiles, il y revient en avril et en mai, par un temps ensoleillé, pour confirmer ou infirmer son hypothèse. En revanche, si un secteur s’avère pauvre, il y passe moins de temps. Ainsi, au fur et à mesure de ses passages sur le site, ses connaissances s’affinent en même temps que sa méthodologie s’ajuste.

Pour l’installation d’une caméra automatique, le naturaliste choisi un endroit particulièrement favorable en fonction des indices qu’il trouve sur le terrain : traces, coulées, crottes, etc. Cet emplacement ne peut pas être défini sans lien avec la réalité de terrain.

On comprend donc que des protocoles standardisés (type I.P.A) définis en amont des prospections risquent de contraindre le naturaliste à passer du temps sur des secteurs décevants aux dépends de secteurs plus décisifs. De même, le volume des éventuelles prospections nocturnes doit être proportionnel à la présence probable d’espèces à enjeux : chiroptères, Engoulevent d’Europe, Rainette verte, Crapaud calamite, etc.

En conclusion, chaque projet nécessite la mise au point d’une méthodologie spécifique en deux temps :

  • en amont : la définition de la pression d’observation et des périodes de l’année à couvrir en fonction des enjeux potentiels
  • pendant l’étude : l’observateur doit savoir optimiser le temps passé sur le terrain en accentuant son effort de prospection sur les secteurs et les espèces à enjeux, au fur et à mesure de ses découvertes

Conclusion

Les méthodes standardisées sont adaptées pour des suivis sur le long terme ou lorsqu’un échantillonnage est nécessaire. Dans le cas d’un état initial préalable à une étude d’impacts, l’expérience et la capacité d’adaptation de l’observateur sont primordiaux pour collecter un maximum d’informations en un nombre limité de sorties de terrain.


Photo à la une : Tarier pâtre

Mes 5 conseils pour bien observer les animaux

Depuis 25 ans, j’observe la faune sauvage. Depuis 10 ans, cette activité constitue le cœur de mon métier. Observer dans la nature est une activité à la fois agréable et exigeante. Voici mes conseils pour réussir vos « sorties », c’est à dire pour faire des observations intéressantes et progresser dans la connaissance de la nature.

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