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En 2023, une nouvelle liste rouge des oiseaux nicheurs de Bretagne

Même si cette liste rouge, fruit de plusieurs années de travail de l’ORA, de Bretagne Vivante et du GEOCA, s’intitule « Liste rouge 2021 des oiseaux nicheurs menacés en Bretagne et responsabilité biologique régionale« , c’est bien en août 2023 qu’elle a été rendue officielle.

Elle présente les statuts de conservation des espèces nicheuses dans notre région, selon la méthodologie de l’UICN. L’analyse porte sur des données collectées de 2015 à 2021 et concerne 178 espèces.

Parmi ces 178 espèces, 76 sont considérées comme menacées. Parmi les espèces les plus menacées (catégorie « danger critique« ), notons le Busard cendré, la Locustelle luscinoïde ou encore la Sterne de Dougall. Le Bruant jaune, le Bruant proyer et le Grimpereau des bois sont considérés comme « en danger » tandis que des espèces qui semblent (ou semblaient) encore communes comme le Moineau domestique ou le Verdier d’Europe sont désormais considérées comme « vulnérables« .

La liste rouge est à télécharger ici.

Le Bruant jaune, une espèce désormais considérée comme « en danger » en Bretagne

Critique et améliorations possibles du protocole de suivi des parcs éoliens terrestres

Le protocole de suivi des parcs éoliens terrestres (version 2018)

L’article 12 arrêté ministériel du 26 août 2011 (voir ici) prévoit la mise en place par les exploitants de parcs éoliens d’un suivi environnemental dans les 12 mois suivants la mise en service du parc. Par la suite, le suivi doit être renouvelé a minima tous les 10 ans. Ce suivi doit notamment permettre « d’estimer la mortalité de l’avifaune et des chiroptères due à la présence des aérogénérateurs« .

Un protocole de suivi a été mis en place en 2015 pour la version initiale puis en mars 2018 pour la version actuellement en vigueur. Ce protocole prévoit « au minimum » des suivis de mortalité couplés à « un suivi d’activité en hauteur des chiroptères » et d’autres types d’observations « si l’étude d’impact ou l’arrêté préfectoral le prévoit« .

Le suivi de mortalité au sol – qui consiste à rechercher d’éventuels cadavres d’oiseaux ou de chauves-souris au pied des éoliennes – doit être « constitué au minimum de 20 prospections, réparties entre les semaines 20 et 43 (mi mai à octobre), en fonction des risques identifiés dans l’étude d’impact, de la bibliographie et de la connaissance du site. » Le suivi peut s’étendre sur d’autres périodes si l’étude d’impacts ou des arrêtés préfectoraux le préconisent.

Ces premiers éléments du protocole, qui correspondent aux parties 2 à 5 du texte, ne posent pas de problème particulier. Au contraire, ils posent clairement le cadre et les objectifs d’un suivi. Les faiblesses se situent davantage dans la méthodologie retenue pour l’évaluation de la mortalité.

Une fréquence de suivi non précisée

Le premier point qui peut d’emblée nous étonner est l’absence d’indication quant à la fréquence de passage pour la recherche des cadavres. La partie 5.3 indique bien un minimum de 20 prospections entre les semaines 20 et 43, ce qui correspond à peu de chose près à une fréquence hebdomadaire. Mais il n’est nulle part indiqué que l’on ne peut pas réaliser, par exemple, 5 sorties lors de la semaine 20 (une sortie quotidienne) puis 5 nouvelles sorties lors des semaines 28, 35 et 42. Nous verrons d’ailleurs qu’une telle répartition dans le temps n’aurait rien d’aberrant.

Quoiqu’il en soit, faute d’indication, les bureaux d’étude optent fréquemment pour la sortie hebdomadaire, solution la plus simple à mettre en place et qui paraît la plus logique à la lecture du protocole. Or, une prospection hebdomadaire risque fort de faire passer l’observateur à côté des cas de mortalité, en particulier pour les chiroptères. En effet : 1) les cadavres de chauves-souris disparaissent ou se décomposent rapidement et un animal tué le jour n peut très bien ne plus être présent ou ne plus être détectable (ou, dans le meilleur des cas, ne plus être identifiable) au bout de deux ou trois jours. 2) les passages à intervalle fixe ne coïncident pas nécessairement avec des périodes « à risque » pour les chiroptères. Par exemple, si l’on prospecte après deux ou trois nuits de mauvais temps (pluie, vent, fraîcheur), il est très probable que l’on ne trouve aucun cadavre de chauves-souris, ces dernières n’étant pas sorties de leurs gîtes. Pour les oiseaux en revanche, la prospection hebdomadaire, à défaut d’être idéale, est une solution recevable dans la mesure où 1) les cadavres d’oiseaux, notamment rapaces ou laridés, sont a priori détectables plus facilement et plus longtemps que ceux des chiroptères 2) les collisions peuvent a priori avoir lieu dans tous types de conditions météorologiques, de jour comme de nuit.

Les biais liés à la persistance de cadavre et à la durée de l’intervalle entre les sorties sont censés être résolus par l’application de formules (partie 8 du protocole), elles-mêmes alimentées par des paramètres définis par des tests (partie 7). Or, nous verrons que les tests et les formules posent de sérieuses questions, de représentativité pour les premiers et de précision pour les secondes.

Pour notre part, notre expérience des suivis environnementaux nous fait douter du bien fondé des suivis à intervalle régulier en ce qui concerne la mortalité des chauves-souris. D’ailleurs, cette fréquence régulière n’est pas explicitement exigée dans le protocole de 2018. Elle n’est rendue nécessaire que par l’utilisation des formules de correction des biais. Nous proposons en fin de cet article une méthode s’affranchissant de cette contrainte.

Des tests de persistance problématiques

Le protocole indique que deux séries de tests doivent être réalisées. Si les tests d’efficacité (partie 7.1) nous paraissent utiles pour connaître les limites de perception de l’observateur, les tests de persistance des cadavres (partie 7.2) apparaissent comme une tentative bien maladroite de corriger un biais particulièrement important.

Ainsi, on propose d’évaluer le temps de persistance des cadavres en disposant des « leurres » (cadavres de poussins, poulets ou souris) autour des éoliennes et en « suivant la persistance des cadavres par des passages répétés » . Or, ce protocole est bien loin de reproduire la réalité : 1) parce que les cas de mortalité réelle sont rares et aléatoirement répartis tandis que les leurres du protocole sont nombreux et régulièrement répartis (le protocole demande 3 à 5 leurres par éolienne), or le comportement des charognards est nécessairement influencé par la quantité de cadavres disponibles 2) parce que des cadavres de poussins et de souris manipulés par des êtres humains n’ont probablement pas le même attrait pour les charognards qu’un cadavre de mouette, de pipistrelle, etc. 3) parce que, concernant les oiseaux, on ne peut connaître à l’avance le ratio « cadavres de grande taille / cadavres de petite taille » afin d’adapter la taille des leurres en conséquence ; il est évident que le cadavre d’une Buse variable ne se « comporte » pas comme celui d’un Roitelet…

Dernier problème posé par l’utilisation des leurres, et non des moindres : le risque d’accoutumance des charognards. Il est tout à fait possible que les leurres disposés au pied des éoliennes attirent les charognards et facilitent, dans la suite de l’étude, la disparition des « vrais » cadavres. Ou, au contraire, que des leurres abondants provoquent la satiété des charognards, les détournant alors des « vrais » cadavres. Une solution pourrait être d’utiliser les leurres uniquement après la fin des recherches des cadavres réels. Mais ces tests, nécessairement réalisés en octobre / novembre, ne pourraient pas prétendre reproduire fidèlement les conditions du suivi, lequel débute au printemps. Pour rappel, le suivi préconisé de la semaine 20 à la semaine 43 a minima.

Pour finir, le protocole demande de réaliser « deux tests de persistance par suivi, à des périodes distinctes » : cela signifie d’une part que l’un des tests – au moins – interfère avec la recherche des vrais cadavres (accoutumance ou satiété des prédateurs), mais aussi que deux tests sont censés reproduire les variations des conditions environnementales (croissance des plantes, conditions météorologique, activité animale, travaux des champs, etc.) d’une demi-année… ce qui est peu crédible.

« Ce qui manque ne peut être compté »

Par la suite, le protocole préconise d’utiliser les résultats des tests ainsi que le taux de surface effectivement prospectée (« coefficient surfacique ») pour corriger les biais. Plusieurs formules, plus ou moins complexes, sont proposées : celle de Huso (2010) doit être systématiquement utilisées, ainsi que deux autres « au choix » entre Erickson (2000), Jones (2009), Korner-Nievergelt (2015), etc.

Ces formules prétendent estimer la mortalité sur toute la période de suivi à partir :

  • du nombre réel de cadavres découverts
  • du % de surface effectivement prospectée
  • l’intervalle de temps entre deux passages
  • la durée de persistance moyenne des cadavres (obtenue avec les leurres)
  • le taux d’efficacité de l’observateur

Un premier point problématique apparaît à la lecture des formules proposées. Qu’il s’agisse d’Erickson, Jones ou Huso, la mortalité estimée est directement proportionnelle au coefficient de correction surfacique (noté A dans les formules, A = 1/taux de prospection). Cela signifie que le résultat est automatiquement doublé si vous n’avez pu prospecter que 50 % de la surface, triplé si vous n’avez pu en prospecter qu’un tiers, etc. Ce raisonnement serait valable si l’on considérait un phénomène très abondant, par exemple la chute de flocons de neige : si, sur une durée déterminée, je compte n flocons tombés sur une surface d’un m², je peux, sans trop me tromper, estimer le nombre de flocons tombés sur une surface de 2 m² : ce sera 2n. Mais il n’en va pas de même pour un phénomène aussi rare que la mortalité des oiseaux ou des chiroptères. Admettons que je ne puisse prospecter que la plateforme d’une éolienne car le reste est couvert des maïs impénétrable, ce qui arrive régulièrement pendant les suivis. La plateforme ne représente que 10 % de la surface à prospecter. Or, je découvre un cadavre d’oiseau sur cette plateforme : dois-je en déduire automatiquement que 9 autres cadavres se cachent, invisibles, au pied des maïs ? Ce raisonnement semble aberrant. C’est pourtant ce que proposent les formules de correction des biais.

Parmi les formules proposées, celle de Winkelman (1989) a probablement été jugée « trop simple » pour être retenue dans le protocole actuel. On lui préfère aujourd’hui des formules plus complexes. Mais ces formules donnent des résultats très différents les unes des autres (avec parfois un rapport 1 à 10 !) et il est impossible de savoir laquelle s’approche le plus de la réalité. Des travaux ont été menés sur la précision des estimations et notamment sur les intervalles de confiance par le biologiste français Aurélien Besnard (voir ici). Il a notamment montré que le cumul des sources d’incertitudes (liées à la taille de l’échantillon et à l’hétérogénéité du phénomène) aboutissait à des intervalles de confiance souvent très larges. Par exemple, pour 36 cas de mortalité annuelle, l’estimation selon la formule de Huso peut être – en fonction des paramètres – de 59 cas, avec un intervalle de confiance à 95 % de [28 ; 111] lorsque l’on réalise 100 sorties de prospection (ce qui est loin des préconisations du protocole 2018)? Si l’on passe à 12 sorties sans changer les autres paramètres, l’intervalle de confiance augmente encore et devient [0 ; 160].

Des estimations finalement inutilisables ?

Pour reprendre l’exemple du paragraphe précédent, comment interpréter une estimation de mortalité comprise entre 0 et 160 cas ? Pour prendre le cas d’une étude réelle, le suivi du parc éolien du Bois Joli réalisé par la LPO (voir ici) intègre le calcul des intervalles de confiance selon la méthode de Besnard. A partir de 8 cadavres de chauves-souris réellement découverts entre mi-mai et fin octobre, l’estimation selon la formule de Huso est de 26,68 cas de mortalité, avec un intervalle de confiance de [3,44 ; 61,94]. Notons au passage que la limite inférieure de l’estimation (3,44) est bien en-dessous de la mortalité réellement constatée (8 cadavres) ! Mais surtout, que conclure sur la base de cette estimation ? Trois cas, vingt-sept cas ou soixante-deux cas de mortalité n’ont pas du tout le même impact, surtout pour des animaux à reproduction lente comme les chauves-souris…

Dès lors, que préconiser en termes de suivi, bridage ou autres mesures à la lecture d’estimations aussi peu précises ? Le résultat est bien décevant si l’on considère les efforts déployés pour réaliser des tests de persistance, proposer des formules d’estimation de plus en plus complexes ou encore établir des intervalles de confiance via les techniques de bootstrap. Si l’on ajoute que les estimations ne donnent aucune information sur les espèces impactées, le jeu en vaut-il toujours la chandelle ? Ne faut-il pas tout simplement abandonner l’idée d’une estimation annuelle ou mensuelle de la mortalité puisque cette dernière nous apporte in fine si peu d’information ?

Propositions pour améliorer les suivis de mortalité

Le protocole actuel propose d’échantillonner pour ensuite estimer. Or, nous pensons que la mortalité liée aux éoliennes est un phénomène trop rare et trop irrégulier pour être étudié de cette manière. Le calcul des intervalles de confiance semble d’ailleurs confirmer cette intuition.

Les deux principales faiblesses de la méthode actuelle sont, comme nous l’avons vu, les tests de persistance (peu représentatifs) et les formules d’estimation qui en découlent (peu précises). Nous proposons donc de nous en affranchir, tout en conservant les autres préconisations du protocole notamment la surface et la période de recherche.

Nous pensons que la question de la mortalité devrait davantage prendre la forme d’une enquête dont l’objectif est de découvrir un maximum de cas de mortalité réelle. Les cas de mortalité réelle nous apportent une information beaucoup plus riche et beaucoup plus fiable que les estimations. Nous proposons donc de réaliser les recherches de cadavres, non pas à intervalle régulier, mais dans les conditions où la découverte de cadavre est la plus probable. Pour cela, les prospections doivent être réalisées :

  • en premier lieu, lorsque les conditions saisonnières et météorologiques sont les plus favorables aux collisions. Pour les chauves-souris, par exemple, le lendemain de nuit chaudes et sans pluie.
  • deuxièmement, autant que faire se peut, lorsque les conditions de prospections sont favorables. Par exemple lorsque, sous les éoliennes, les prairies viennent d’être fauchées ou les champs labourés.

Une prospection dans un champ labouré, avec une bonne visibilité, le lendemain d’une nuit chaude propice à l’activité des chiroptères, donnera une information bien plus intéressante qu’une prospection dans une végétation haute après trois nuits de mauvais temps. Ainsi, nous cherchons non pas à corriger les biais mais à les minimiser systématiquement.

Reste à définir quelles sont les « conditions favorables aux collisions ». Pour les chiroptères, nous en avons déjà une idée assez précise. Mais la collecte des données d’activité à hauteur de mât (enregistrements ultrasonores) pourrait encore permettre d’optimiser notre protocole. On peut ainsi imaginer que le dispositif transmette quasiment en temps réelle l’activité enregistrée autour des éoliennes et que le bureau d’études chargé du suivi intervienne systématiquement après les nuits à forte activité chiroptérologique.

Concernant les oiseaux, il faudrait également définir précisément quelles sont les conditions présentant le plus grand risque de collision. Certains auteurs avancent par exemple que le mauvais temps (brouillard, vent fort…) incite les oiseaux à voler plus bas, ce qui les exposerait à un plus grand risque de collision.

On réaliserait ainsi le nombre de sorties exigé par le protocole de 2018, mais en les plaçant à des dates décisives plutôt qu’à des dates quelconques comme c’est actuellement le cas. Concernant l’interprétation, on raisonnerait uniquement sur les dates « à risque » plutôt que d’extrapoler sur des semaines, des mois ou des année entières. Que nous importe en effet une estimation de mortalité de chiroptères sur une période où ces animaux n’ont pas quitté leur gîte ?

En conclusion, le protocole dans sa version 2018 a permis d’obtenir beaucoup d’informations quant à la mortalité des oiseaux et des chauves-souris : saisons à risque, distance entre mât et cadavres découverts, etc. Mais la quantité et la qualité d’information fournies par les études actuelles semblent stagner et l’estimation de la mortalité reste très imprécise faute de découvrir un maximum de cas réels. Cinq ans après la mise en place de ce protocole, il nous paraît indispensable de l’adapter de manière à ce que les bureaux d’études puissent optimiser le temps passé sur le terrain et améliorer leur chance de découvrir les cas de mortalité réels, seule clef de compréhension du phénomène.

Plus de 200 espèces animales sur un seul hectare : les leçons d’une prospection intensive

L’idée de cet article m’est venue en considérant le nombre d’espèces animales que nous avons observées dans notre petit hameau breton : plus de 200 ! Deux-cent espèces identifiées en une dizaine d’années, dont près de 50 espèces d’oiseaux et plus de 100 lépidoptères. Quelles leçons tirer de cette étonnante biodiversité « ordinaire » ?

Notre connaissance de la nature n’est jamais parfaite

Deux-cent espèces peuvent donc être découvertes sur un très petit territoire, composé essentiellement de pelouses, d’arbres d’ornement et de plantations. La chose paraît étonnante, pour ne pas dire impossible. Un naturaliste parcourant ce hameau pendant une journée n’en découvrirait peut-être qu’une dizaine ou une vingtaine selon la période de l’année. C’est le temps passé – ici, en l’occurrence, une prospection quasi-quotidienne – qui permet d’allonger la liste des espèces, quasi indéfiniment ! Car le rythme des découvertes ne faiblit guère. Si mon attention s’est d’abord portée sur les vertébrés, la découverte des lépidoptères, des coléoptères et plus récemment des araignées m’a permis d’aller de trouvaille en trouvaille ces cinq dernières années.

La première leçon de cette prospection intensive serait donc la suivante : de très nombreuses espèces animales peuplent les jardins et les abords de nos habitations. Une liste d’espèces n’est jamais vraiment complète. Des espèces apparaissent selon les saisons, au fil des années et… lorsque notre intérêt et nos connaissances augmentent !


Quelques mètres-carrés suffisent

Comme nous l’avons dit précédemment, notre hameau n’a rien d’un milieu naturel remarquable. Il présente même un aspect relativement « jardiné ». Son atout principal en termes de biodiversité est certainement l’absence de clôtures. Dans un paysage agricole dominé par les cultures intensives, il constitue un refuge facile d’accès pour le faisan, le lièvre et parfois même le chevreuil !

Des micro-habitats de quelques mètres-carrés abritent les espèces de petite taille : tas de bois, compost, vieilles souches, tas de pierres, potager… Quelques bandes d’herbes « sauvages », épargnées par la tondeuse, assurent le gîte et le couvert à de nombreux insectes. Enfin, les maisons elles-mêmes peuvent servir d’abris, notamment aux chiroptères.


Un réseau de jardins pour la biodiversité

Si un seul jardin peut abriter tant d’espèces, ne faut-il pas reconsidérer – à l’instar de l’association « Jardins de Noé » – le rôle que pourraient jouer des milliers de petites parcelles privées, en ville comme à la campagne ? Comme nous venons de le voir, il est facile pour un particulier d’accueillir une faune sauvage variée sur son terrain sans pour autant renoncer à l’usage récréatif ou productif de ce dernier. Mais avant-même de semer une prairie fleurie ou d’installer un nichoir à oiseaux, la première chose à faire est d’observer avec patience et de chercher à connaître ces espèces que nous croisons au quotidien, souvent sans nous en rendre compte. Ouvrons les yeux car elles sont plus nombreuses que nous le croyons !

Comment faire une demande de dérogation « espèces protégées » (oiseaux, reptiles, mammifères…)

De nombreuses espèces animales bénéficient en France d’une protection à l’échelle nationale. Toute personne qui souhaite déroger à cette protection légale doit en faire la demande. Le préfet de département peut autoriser ou refuser la dérogation. La demande de dérogation comporte un (ou des) formulaire(s) Cerfa ainsi qu’un dossier. Quel formulaire remplir ? Que doit contenir le dossier ? Voici les réponses, en 4 étapes.

Le cadre législatif

Les articles L411-1 et L411-2 du Code de l’Environnement prévoient la protection de certaines espèces animales « lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient [leur] conservation« . Pour ces espèces, la protection ne se limite pas nécessairement aux individus mais concerne également les habitats de ces espèces. Concernant les oiseaux, les nids et les œufs sont également protégés.

Les listes d’espèces animales bénéficiant d’une protection nationale sont définies par les textes suivants :

  • Oiseaux : arrêté du 29 octobre 2009 (modifié le 21 juillet 2015)
  • Reptiles et amphibiens : arrêté du 19 novembre 2007 (modifié le 8 janvier 2021)
  • Mammifères : arrêté du 23 avril 2007 (modifié le 15 septembre 2012 et le 1er mars 2019)
  • Insectes et mollusques : arrêté du 23 avril 2007

Les modalités de demande d’une dérogation sont fixées par l’arrêté du 19 février 2007. L’article 1 de cet arrêté indique que les dérogations sont « délivrées par le préfet du département du lieu de l’opération pour laquelle la dérogation est demandée« .


Étape 1 : identifier les espèces protégées

La première étape consiste à dresser la liste des espèces impactées par votre projet. Il peut s’agir d’une seule espèce. Par exemple : un ravalement de façade impactant des nids d’hirondelles. Si votre projet est de grande ampleur (aménagement d’un quartier, création d’une zone d’activité, etc.), il est nécessaire de faire réaliser un diagnostic par un bureau d’étude : ce dernier dressera la liste complète des espèces protégées présentes sur la zone de votre projet.

Le bureau d’étude cherchera également à collecter le plus d’informations possible sur ces espèces : période de présence, estimation du nombre de couple (oiseaux), localisation précise, habitats utilisés, etc. Ces informations seront présentées dans le dossier qui accompagnera vos formulaires Cerfa. Elles permettront aux services qui instruiront le dossier (DDT, DDTM, DREAL) de comprendre les enjeux présents sur votre site.

Cette étape est à prévoir le plus en amont possible dans votre projet. En effet, les prospections de terrain se déroulent généralement sur plusieurs mois (mars à juin étant la période la plus décisive) voire, en fonction des caractéristiques de votre projet, sur un cycle annuel complet.

Étape 2 : les trois conditions à respecter

D’après l’article L-411-2 4°, pour la délivrance d’une dérogation « espèces protégées », deux conditions doivent être remplies :

  • Il n’existe pas d’autre solution plus satisfaisante
  • La dérogation ne nuit pas au maintien de l’état de conservation favorable des espèces dans leur aire de répartition naturelle

Ce second point doit être démontré dans votre dossier. C’est pourquoi une analyse solide des enjeux et des impacts doit y figurer.

Par ailleurs, votre projet doit correspondre à l’une des cinq situations suivantes :

  • comporter un intérêt pour la protection de la faune et de la flore sauvage
  • prévenir des dommages importants aux cultures, à l’élevage, etc.
  • présenter un intérêt pour la santé, la sécurité publique ou d’autres raisons d’intérêt public majeur
  • avoir des fins de recherche, d’éducation ou de repeuplement / réintroduction d’espèces
  • permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention de certains spécimens

Dans le cas d’une opération d’aménagement (route, zone d’activité, etc.), c’est le troisième point, à savoir la « raison d’intérêt public majeur« , qui sera invoqué.

Étape 3 : évaluer les impacts et prévoir des mesures ERC

Une évaluation des impacts consiste à prévoir la destructions d’individus ou d’habitats qui pourraient avoir lieu :

  • lors de la phase de chantier : la destruction de nichées d’oiseaux lors du défrichage en est un exemple
  • lors de la phase dite « d’exploitation » : il s’agit d’effets sur le long terme comme la disparition d’une mare, la pollution lumineuse liée à l’éclairage publique ou encore le dérangement de la faune liée à une augmentation de la fréquentation du site

Il s’agit donc de donner aux services instructeurs une vision claire de l’impact de votre projet sur les différentes espèces protégées.

Une fois les risques identifiés, des mesures d’évitement, de réduction et, en dernier lieu, de compensation, doivent être prévues et précisément décrite dans votre dossier. L’objectif est aussi de démontrer que votre projet ne nuit pas au maintien de l’état de conservation favorable des espèces protégées.

Étape 4 : remplir les formulaires Cerfa

Enfin, une fois votre dossier réalisé, vous devez lui adjoindre les formulaires Cerfa adaptés. Par exemple :

Ces formulaires résument votre demande, c’est pourquoi nous vous conseillons de les remplir une fois votre dossier de demande terminé.

En Bretagne, votre demande doit être adressée, dans la majorité des cas, à la DDTM du département où se situe votre projet. Voir ici.

Le CSRPN (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel) ou le CNPN (Conseil national pour la protection de la nature) peuvent être saisis afin d’émettre un avis sur votre dossier. Ces instances peuvent donner un avis favorable, favorable sous conditions ou défavorable.

En dernier lieu, le préfet décide d’accorder ou non l’autorisation par arrêté préfectoral.


Une nouvelle Liste Rouge des oiseaux d’Europe (2021)

Six ans après sa dernière version (2015), la Liste Rouge des oiseaux d’Europe vient d’être mise à jour. Le document, publié par BirdLife International, évalue l’état de conservation de 544 espèces. Vous pouvez télécharger le document complet ici.

Les espèces menacées constituent 13 % du total

Parmi les 544 espèces évaluées, on trouve 8 espèces « en danger critique » d’extinction, 15 espèces « en danger » et 48 espèces « vulnérables ». Ces trois catégories constituent le groupe des espèces dites « menacées ». Ce dernier, avec 71 espèces, représente donc 13 % du total. Par ailleurs, 34 espèces, soit 6 % du total, sont considérées comme « quasi-menacées ».

En proportion, il y a donc toujours beaucoup moins d’espèces menacées à l’échelle de l’Europe (13 %) qu’à l’échelle de la France (32 %). L’article que nous avions rédigé il y a deux ans, « Espèces menacées : une question d’échelle » reste donc d’actualité.

Parmi les espèces menacées et quasi-menacées, on trouve en premier lieu des espèces liées aux « terres agricoles et prairies » : 33 espèces dont le Corbeau freux et la Caille des blés. Suivent les espèces marines (28 espèces dont l’Eider à duvet) et les espèces liées aux zones humides de l’intérieur des terres (13 espèces dont le Grèbe à cou noir).

Disparition du Turnix et du Syrrhapte

Certaines espèces, considérées comme menacée en 2015, sont désormais éteintes en Europe. C’est notamment le cas du Turnix d’Andalousie (Turnix sylvaticus), espèce par ailleurs présente en Afrique et dans le sud de l’Asie, et du Syrrhapte paradoxal (Syrrhaptes paradoxus), espèce nichant en Asie centrale.

Le Syrrhapte paradoxal fait désormais partie des espèces éteintes en Europe (photo : Tomju48 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16362448)

Du mieux pour le Martin-pêcheur et la Barge à queue noire

Certaines espèces voient leur situation s’améliorer. C’est par exemple le cas du Martin-pêcheur d’Europe qui passe de « vulnérable » à « préoccupation mineure », c’est à dire non menacé. La Barge à queue noire et le Courlis cendré, passent de « vulnérable » à « quasi-menacé » tandis que l’Aigle criard passe de « en danger » à « vulnérable ».


photo en une de l’article : Fuligule milouin, photo E.Barussaud

Que nous apprend le second Atlas des Oiseaux Nicheurs Européens (EBBA 2) ?

Édité en novembre 2020, « European Breeding Bird Atlas 2 » est la référence la plus complète concernant l’avifaune européenne. Cet ouvrage de près de 1000 pages présente les données les plus récentes concernant la répartition, l’abondance et l’évolution de 556 espèces. L’ayant pré-commandé fin 2020, nous l’avons reçu en janvier 2021.

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Les protocoles naturalistes standardisés (type IPA) sont-ils adaptés pour une étude d’impact environnemental ?

Quel est l’objectif d’un état initial ?

La première étape d’une étude d’impact, ou évaluation environnementale, consiste en la réalisation d’un état initial. Concernant la faune (oiseaux, reptiles, batraciens…), cet état initial doit permettre d’obtenir :

  • un inventaire le plus exhaustif possible des espèces présentes
  • la localisation la plus précise possible des habitats utilisés par les espèces à enjeux (notamment les espèces protégées)
  • le maximum d’informations sur les populations animales présentes (effectifs, reproduction) et leur utilisation du site (zones d’alimentation, gîtes, corridors)

Grâce à ces informations, l’évaluation des incidences de votre projet reposera sur des bases solides.

Dans quel cas échantillonner ?

Les protocoles standardisés répondent-ils à ces exigences ? Prenons l’exemple des indices ponctuels d’abondance (ou I.P.A) pour les oiseaux : il s’agit d’une méthode d’échantillonnage et non d’une méthode absolue. Il faut bien entendu choisir une méthode d’échantillonnage lorsque l’objet d’étude est trop vaste pour être appréhendé de manière exhaustive : si vous étudiez le territoire d’une commune ou d’un Parc Naturel Régional , il vous sera impossible de recenser de manière exhaustive tous les couples d’oiseaux nicheurs du territoire.

La localisation des mâles chanteurs (ici une Alouette lulu) est une étape importante des inventaires

Mais si vous étudiez un site de superficie plus limité, quelques hectares ou quelques dizaines d’hectares, rien ne vous empêche de réaliser un inventaire plus exhaustif :

  • réalisez 4 à 6 passages sur site en période de reproduction (mars à juillet)
  • lors de chaque passage, notez précisément vos observations sur une carte au 1/25.000 ème ou sur une image aérienne : localisation des mâles chanteurs, d’adultes transportant de la nourriture, de jeunes dépendants, etc.
  • à la fin de la période, recoupez vos données et analysez les en regard des exigences écologiques des différentes espèces

Vous pouvez ainsi obtenir un inventaire exhaustif des espèces présentes et acquérir beaucoup d’informations sur leurs effectifs et les habitats qu’elles fréquentent.

Pour les reptiles, il est souvent question d’utiliser des plaques-abris. Si cette méthode paraît au premier abord plus rigoureuse qu’une « simple » prospection à vue, elle donne souvent des résultats décevants : plusieurs dizaines de relevés sont nécessaires pour réaliser une seule observation (voir ici). En examinant avec attention les milieux favorables aux meilleures heures de la journée, un naturaliste expérimenté peut être bien plus efficace, surtout si la superficie à prospecter est limitée.

En utilisant l’échantillonnage, nous abandonnons l’idée de recensement exhaustif pour celle de recensement représentatif : cela peut être nécessaire dans certains cas mais ne doit pas être privilégié a priori.

Une méthode adaptée plutôt qu’une méthode standardisée

Une bonne méthode d’inventaire doit donc être adaptée :

  • au potentiel du site : superficie, contexte géographique, milieux présents
  • à la nature du projet : lotissement, parc éolien, centrale photovoltaïque, etc.

Il est indispensable d’étudier le site et le projet avant de mettre en place une méthode d’inventaires naturalistes. Par exemple :

La prise en compte des oiseaux volant à haute altitude (ici un Vautour fauve) est indispensable dans le cas d’un projet éolien
  • vous étudiez un milieu avec de nombreuses mares et ornières : il y a potentiellement de forts enjeux liés aux batraciens ; vous devez donc prévoir une forte pression de prospection entre février et avril pour rechercher des individus en phase aquatique, des pontes ou des larves
  • votre site est un friche caillouteuse sèche et ensoleillée : les enjeux liés aux reptiles seront probablement plus forts, il faudra prospecter attentivement entre avril et juin…

De même, la nature du projet nécessite des adaptations :

  • pour un parc éolien, l’étude des déplacements d’oiseaux en altitude (plus de 30 mètres) sera au moins aussi importante que celle des petits passereaux qui nichent dans les sous-bois et les broussailles
  • en revanche, un projet de requalification urbaine pourra faire l’impasse sur les déplacements d’oiseaux en altitude, ces derniers n’étant pas impactés

Une bonne méthode doit être souple et ajustable

La détection de la Vipère péliade demande beaucoup d’expérience et une pression d’observation élevée dans les milieux favorables (photo prise à Arzal, Morbihan)

Lorsqu’il parcours un site, un bon naturaliste travaille par itérations : ayant repéré un secteur potentiellement intéressant, il y revient régulièrement et y consacre beaucoup de temps. Par exemple, si il repère en février un habitat a priori favorable aux reptiles, il y revient en avril et en mai, par un temps ensoleillé, pour confirmer ou infirmer son hypothèse. En revanche, si un secteur s’avère pauvre, il y passe moins de temps. Ainsi, au fur et à mesure de ses passages sur le site, ses connaissances s’affinent en même temps que sa méthodologie s’ajuste.

Pour l’installation d’une caméra automatique, le naturaliste choisi un endroit particulièrement favorable en fonction des indices qu’il trouve sur le terrain : traces, coulées, crottes, etc. Cet emplacement ne peut pas être défini sans lien avec la réalité de terrain.

On comprend donc que des protocoles standardisés (type I.P.A) définis en amont des prospections risquent de contraindre le naturaliste à passer du temps sur des secteurs décevants aux dépends de secteurs plus décisifs. De même, le volume des éventuelles prospections nocturnes doit être proportionnel à la présence probable d’espèces à enjeux : chiroptères, Engoulevent d’Europe, Rainette verte, Crapaud calamite, etc.

En conclusion, chaque projet nécessite la mise au point d’une méthodologie spécifique en deux temps :

  • en amont : la définition de la pression d’observation et des périodes de l’année à couvrir en fonction des enjeux potentiels
  • pendant l’étude : l’observateur doit savoir optimiser le temps passé sur le terrain en accentuant son effort de prospection sur les secteurs et les espèces à enjeux, au fur et à mesure de ses découvertes

Conclusion

Les méthodes standardisées sont adaptées pour des suivis sur le long terme ou lorsqu’un échantillonnage est nécessaire. Dans le cas d’un état initial préalable à une étude d’impacts, l’expérience et la capacité d’adaptation de l’observateur sont primordiaux pour collecter un maximum d’informations en un nombre limité de sorties de terrain.


Photo à la une : Tarier pâtre