Oiseaux nicheurs de Bretagne : un nouvel outil d’évaluation

L’indice FAR permet d’estimer rapidement l’état de santé d’une population animale sur un territoire. Dans cet article, nous appliquons l’indice FAR aux oiseaux de Bretagne : espèces fragiles ou robustes, évolution de l’indice dans le temps, variation d’un département à l’autre…

Un indice basé sur l’atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne

Le dernier atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne, paru en 2012, présente pour chaque espèce deux cartes de répartition : celle issue de l’enquête 2004-2008 et celle issue de l’enquête 1980-1985. Les cartes couvrent les 5 départements de la Bretagne historique. Comme nous l’avons expliqué précédemment (voir ici), l’indice FAR se base sur ces cartes de répartition pour évaluer l’état de santé des espèces : plus l’indice est élevé, plus l’espèce se porte bien. Nous avons fait le calcul pour certaines espèces, afin de voir :

  • quelles espèces sont les plus fragiles
  • comment leur « état de santé » peut varier dans le temps
  • comment leur « état de santé » peut varier d’un département à l’autre
  • si notre indice FAR donne des résultats cohérents avec la méthodologie UICN

Les Busards en Bretagne : une situation préoccupante et contrastée

Sur l’ensemble des 5 départements, la situation du Busard cendré est d’assez loin la plus critique, avec un indice FAR de 0,34 seulement. Sa situation est particulièrement délicate en Loire-Atlantique et en Ille-et-Vilaine. Les derniers bastions de l’espèce se trouvent dans les Monts d’Arrée et dans les landes du massif forestier de Brocéliande.

Les deux populations qui se portent le mieux – ou le moins mal – d’après notre indice sont le Busard Saint-Martin dans le Morbihan (landes de Lanvaux, Brocéliande, pays d’Oust) et le Busard des roseaux en Loire-Atlantique (Brière, Loire, lac de Grandlieu, marais breton).

Notons au-passage la souplesse de l’indice FAR qui a permis de traiter la situation département par département puis à l’échelle de toute la Bretagne historique en quelques heures seulement.

État de santé des populations de Busard des roseaux, Busard Saint Martin et Busard cendré en Bretagne, d’après l’indice FAR

Le suivi de l’évolution : un avantage de l’indice FAR

L’un des intérêts de l’indice FAR est d’être une méthode reproductible d’une période à une autre, ce qui permet un suivi de l’évolution de l’état de santé des espèces. Chose que ne permet pas – ou avec une précision moindre – la méthodologie de l’UICN. Ici, nous avons calculé l’indice FAR sur la période 1980-1985 et sur la période 2004-2008 pour trois espèces :

  • la Fauvette pitchou : son indice FAR a légèrement régressé ( – 13 %)
  • le Pic cendré : son indice FAR, déjà faible au début des années 1980, a nettement chuté ( – 33 %). Avec un indice de 0,24 sur la période 2004-2008, l’espèce était donc « très fragile », soit la catégorie la plus défavorable de notre classification. La chute s’est malheureusement confirmée depuis : l’espèce ne niche aujourd’hui plus en Bretagne…
  • La Gorgebleue à miroir : à l’inverse des deux autres espèces, elle a vu son indice augmenter de manière sensible (+ 78 %) entre les deux périodes, avec notamment une belle progression dans les marais de Vilaine. Elle passe du statut de « fragile » à celui de « sensible » selon notre méthodologie.
Évolution de l’indice FAR pour trois oiseaux nicheurs de Bretagne

Pic cendré : espèce « fragile » en 1980-1985, « très fragile » en 2004-2008, aujourd’hui disparue de Bretagne

Liste rouge des oiseaux de Bretagne : comparaison des méthodes FAR et UICN

Comme pour les papillons de Bretagne, nous comparons ici les résultats obtenus par la méthode FAR avec ceux que donne la méthode UICN (Liste rouge des oiseaux de Bretagne, 2015) sur un échantillon de 20 espèces. Nous avons utilisé un code couleur pour montrer la correspondance des catégories : « très fragile » (FAR) équivaut à « danger critique » (UICN) et ainsi de suite. Rappelons aussi que notre méthode distingue une classe « robuste » et une classe « très robuste » là où la méthode UICN ne comporte qu’une catégorie « préoccupation mineure ».


Statut de conservation de quelques espèces nicheuses en Bretagne (méthode FAR / méthode UICN


Si l’on considère un décalage d’une classe comme acceptable, il y a 15 cas où les résultats des deux méthodologies convergent (75 %) et 5 cas où une forte divergence est notée. Examinons ces cinq cas :

  • Pouillot siffleur : la méthode UICN semble bien optimiste pour cette espèce qu’elle considère seulement comme « quasi-menacée ». La carte de répartition comportait 71 mailles avec des indices de reproduction « certains » ou « probables » en 1980-1985 contre seulement 40 en 2004-2008. Cette espèce liée aux vieilles forêts est menacée par l’exploitation plus précoce des boisements. Une forte baisse des effectifs est notée à l’échelle nationale. Notre classement dans la catégorie « fragile » nous paraît plus cohérent.
  • Fauvette pitchou : là encore, la liste rouge des oiseaux de Bretagne semble trop optimiste en classant l’espèce dans les « préoccupations mineures ». Inféodée aux landes à ajoncs, cette espèce est menacée par la fermeture des milieux (progression des pins notamment). Elle est classée « vulnérable » à l’échelle nationale, catégorie qui correspond à « sensible » dans notre méthodologie.
  • Chevalier gambette et Pie-grièche écorcheur : pour ces deux espèces, l’explication de l’écart est assez simple ; il tient à la prise en compte de la Loire-Atlantique dans notre calcul, alors que seule la Bretagne administrative a a priori été prise en compte dans la Liste Rouge des oiseaux de Bretagne. En effet, pour ces deux espèces en limite d’aire de répartition, c’est la Loire-Atlantique qui abrite la plus grande part des effectifs nicheurs…
  • Rossignol philomèle : contrairement aux deux premiers cas, la méthodologie UICN donne un résultat bien plus pessimiste que le notre. Là encore, la prise en compte de la Loire-Atlantique change la donne : entre 1980-1985 et 2004-2008, on note simultanément une progression (spatiale) de l’espèce en Loire-Atlantique et une régression assez nette en Bretagne administrative. La situation n’a d’ailleurs guère évoluée depuis. Il est donc assez logique de classer dans la catégorie « vulnérable » cette espèce qui, si l’on s’en tient à la stricte Bretagne administrative, n’est présente qu’au sud de l’Ille-et-Vilaine et dans le sud-est du Morbihan. Cela montre aussi l’intérêt de pouvoir « décomposer » le diagnostic département par département, comme nous l’avons fait ci-dessus pour les Busards.

Photos : Busard des roseaux Michele Lamberti – Busard Saint Martin Rob Zweers – Pic cendré Franck Vassen

1 réponse
  1. Marc
    Marc dit :

    Bonjour,
    Merci pour cet article, l’approche est très intéressante.
    Je voudrais l’appliquer sur les différents atlas bretons y compris celui en cours.
    Pour vos calculs vous n’utilisez que les indices certain et probable ?
    Marc

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