Friches urbaines et industrielles : une biodiversité de transition

Les bureaux d’études naturalistes ont souvent à étudier, en vue de leur réhabilitation, des espaces laissés à l’abandon aux périphéries des villes. Ces friches urbaines et industrielles présentent une faune et une flore particulière, qu’il faut prendre en compte dans les projets d’aménagement. Quelles sont les particularités de ces espaces et de ces espèces ? Quel peut être leur avenir, avec ou sans intervention humaine ? Voici quelques éléments de réponse.

 Le sol, élément déterminant des friches

Ce qui fait la singularité de ces friches, c’est avant tout le sol ou souvent l’absence de sol. La couche de terre arable ayant été décapée pour réaliser les travaux de terrassement, la friche industrielle ou urbaine est un espace que la nature recolonise lentement. La végétation pionnière (saules, genêts, ajoncs, graminées) forme une couverture végétale discontinue et peu haute. Cette situation est donc bien différente de celle de la friche agricole sur laquelle, en deux ou trois années de jachère, une végétation buissonnante ou même arbustive dense peut s’installer. Les friches industrielles demeurent donc souvent pendant de longues années des terrains ensoleillés à végétation clairsemée.

Autre particularité des friches sans sol, ou à sol très maigre : la rétention de l’eau en surface. Des mares d’eau de pluie se forment facilement sur les sols tassés et rendus compacts par le passage d’engins. Ailleurs, à l’inverse, un remblai grossier rend le terrain particulièrement sec. Enfin, ces friches industrielles sont généralement peu attractives pour le public, voire même clôturées pour des raisons de sécurité, ce qui assure une certaine quiétude à la faune locale.

friche à végétation basse

 

une friche à végétation basse et régulièrement inondée, favorable aux batraciens (Grenouille agile, Crapaud calamite, Crapaud commun, Triton palmé, etc.)

 

 

 

friche pierreuse

 

 

une friche pierreuse et ensoleillée, favorable aux reptiles (Lézard des murailles, Vipère aspic, Coronelle lisse) ainsi qu’aux oiseaux (Hypolaïs polyglotte, Fauvette grisette, Fauvette à tête noire)

 

 

Des espèces parfois rares

Les caractéristiques évoquées ci-dessus (ensoleillement, présence de mares, quiétude) font des friches urbaines et industrielles des espaces souvent très favorables à la présence de la faune. Parmi les nombreuses espèces qui peuvent les coloniser, citons :

  • des reptiles, dont la présence est favorisée par l’ensoleillement et la présence milieux pierreux : le Lézard des murailles, les Vipères, la Coronelle lisse, la Couleuvre d’Esculape ou encore l’Orvet fragile trouvent sur les friches des habitats favorables
  • des batraciens, attirés par la présence de petites mares dépourvues de poissons et dans lesquelles ils peuvent déposer leurs pontes : Grenouille agile, Crapaud commun, Crapaud calamite, Alyte accoucheur, Triton palmé, etc.
  • des oiseaux aux exigences écologiques variées : espèces nichant au sol dans les milieux ouverts comme le Petit Gravelot ou l’Alouette lulu, espèces recherchant des secteurs buissonnants et ensoleillés come l’Hypolaïs polyglotte, la Fauvette grisette, le Bruant jaune ou la Linotte mélodieuse, ou encore oiseaux de passage à la recherche de graines (Chardonneret élégant, Verdier d’Europe) ou de proies (Faucon crécerelle, Epervier d’Europe)
  • Et encore des mammifères (rongeurs, mustélidés) ainsi qu’une grande diversité d’invertébrés, notamment d’insectes attirés par la profusion de plantes à fleurs.

 

Des écosystèmes de transition

Parmi les espèces précédemment évoquées, certaines peuvent être menacées à l’échelle nationale ou régionale (Linotte mélodieuse, Vipère péliade, Couleuvre d’Esculape) et beaucoup sont protégées à l’instar du Lézard des murailles, de la Grenouille agile, du Triton palmé ou encore de nombreux passereaux plus ou moins communs.

Leur présence doit donc être prise en compte dans les projets. Indépendamment du risque de destruction directe, qui peut être évité en choisissant avec soin la période de travaux,  se pose le problème suivant : le réaménagement du site risque de faire perdre à ces espèces leurs habitats. Cependant, l’évolution naturelle du site aboutit, sur le long terme, au même résultat.

Vipère péliade – Vipera berus

En effet, la végétation – et le sol conjointement – évoluent selon une dynamique plus ou moins lente qui aboutit, sur le moyen terme (quelques années à quelques décennies, selon l’état initial), à la fermeture du milieu. Les écosystèmes propres à la friche évoluent ainsi vers des écosystèmes de plus en plus forestiers et les espèces typiques de la friche disparaissent, en premier lieu les reptiles et les plantes héliophiles, puis les batraciens (comblement naturel des mares) et les oiseaux. Ces espèces peuvent donc être considérées comme des espèces « nomades » – terme  déjà employé pour les végétaux – pour lesquels la friche présente un intérêt durant quelques années.

Il est surtout important pour ces espèces que soient maintenus des corridors de déplacement permettant les échanges entre micro-populations, la colonisation des nouveaux secteurs au gré des opportunités et ainsi la survie des populations à une échelle régionale.

Images : friches, E. Barussaud   / Vipère péliade, Jack Picknell

 

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